La propagande du Kremlin a un talent certain pour brouiller les cartes, géographiques, politiques, linguistiques, et même faire de la victime l’agresseur. On avait déjà assisté à cette manipulation au moment du conflit russo-géorgien – le président Saakachvili aurait énervé des troupes russes qui, en réalité, préparaient leur intervention depuis deux ans. Voilà que la manœuvre recommence, avec un détail qui pourrait sembler infinitésimal au vu du conflit auquel on assiste. Le pouvoir ukrainien aurait contribué à «provoquer» l’ire russe en proposant d’abolir la revalorisation du statut de la langue russe dans l’Etat. A partir de ce «lapsus» linguistique aussitôt stoppé par la présidence ukrainienne, les dérapages vont bon train. En danger, il s’agit de «protéger» langue, citoyens, religion et autres attributs de la grande Russie.
Cacophonie et langue de bois
En réalité, la langue faisait partie de ce dispositif préliminaire, patiemment mis en marche depuis plus de vingt ans, contribuant à la partition d’un pays – en l’occurrence l’Ukraine, mais applicable ailleurs. S’ils sont «russophones», ils sont «nôtres» ; et il suffit de leur mettre le bon costume, le drapeau entre les mains et le bon passeport dans la poche pour en faire les figurants spontanés légitimant toute intrusion. La langue devient un des «costumes» de mise pour venir en soutien aux «légitimes» contre les «illégitimes». Cela s’appelle attiser la guerre civile.
Pour y parer, le maire de Lviv (ouest) a lancé ces jours-ci un appel en russe à l'i