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Libération

Brisures européennes

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publié le 21 mars 2014 à 20h06

«Ça recommence.» Quoi ? «L’Europe.» On le dira d’abord sur un ton de désespoir lassé : ça recommence, quoi encore, tout ce qui ne va pas, en Europe.

Mais on dira peut-être aussi, dans quelques années, que l'Europe a commencé ou recommencé d'exister entre 2008 et 2014, justement sous le signe de la crise et même de plusieurs crises, non plus de l'unité proclamée mais de la division et même d'un risque grave de déchirement. Car le premier temps de l'Europe «politique», ce fut comme une obligation d'unité, après la guerre, unité obtenue par une étrange association des objectifs les plus hauts avec les moyens les plus bas, comme par une hypocrisie assumée : la paix après la haine mais par le charbon et l'acier, la réconciliation par la libre circulation, les intérêts au secours des passions (selon le diagnostic de Hirschman dans son livre les Passions et les Intérêts). Ce temps-là est dépassé, fini. Il a conduit à une contradiction ouverte devenue aujourd'hui intenable, une tenaille à deux pinces. Les «petits» moyens sont devenus «grands» mais sans débats : l'euro, et les élections (qui approchent, masquées mais décisives !). Et les grands enjeux sont redevenus des risques, explicites et extrêmes : le fascisme, la guerre (ce qui semble se répéter). Le fragile équilibre de cette hypocrisie délibérée, la ruse de la raison européenne, tout cela menace partout d'imploser. Serait-ce le commencement de la fin ?

On voudrait dire, espérer, penser et produire le contraire, et cela