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Libération

Vers l’été, à bout de souffle

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par Philippe DJIAN
publié le 28 mars 2014 à 17h06

64)Je rends ma chronique avec quatre jours de retard. Contrairement à ce que je pensais, je n’ai constaté aucune panique dans les rues, je n’ai ressenti aucune angoisse vous étreindre. On ne m’a pas appelé pour savoir ce que je fabriquais, si je souffrais de quelque mal ou d’une panne. Seigneur, qui donc un jour nous délivrera de ce terrible sentiment de solitude et d’impuissance dont la brûlure nous colle au ventre comme de la glu.

65) Bientôt, il sera trop tard pour les regrets. Mais ce qui frappe avant tout, c’est la bêtise humaine. L’incroyable petitesse d’esprit. Parfois, on a l’impression de se tenir au milieu d’un poulailler. Dans l’assourdissant tintamarre d’un poulailler où se glissent le renard, la panique, l’aveuglement, le désordre. Des plumes volent dans tous les sens.

66) Je descends du train. Trois longues heures de train, épouvantables. Elles étaient quatre, ces femmes, chic, vulgaires, et elles n’ont pas cessé une minute de parler fort, dans une langue que je ne comprenais pas, de discuter dans leur maudit smartphone, de secouer leurs bracelets en or, de s’esclaffer, tandis qu’une longue et silencieuse campagne défilait tristement sous la brume. Ça m’apprendra à voyager en première. En tout cas, je sais ce qu’on va dire. Je n’y peux rien. Dieu sait pourtant que je ne suis pas du genre à colporter de ces infâmes clichés. Car je n’ai rien contre les étrangers. Je n’ai rien contre la plupart des femmes.

67) Deux cent trente-neuf morts poursuivant leur voyage duran