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Libération

Votant quoique mécontent

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publié le 28 mars 2014 à 17h06

Le message que les électeurs ont adressé dimanche dernier aux dirigeants du pays semble on ne peut plus clair : ils sont mécontents et entendent le faire savoir. Pourtant, cette insatisfaction est peut-être moins univoque qu'il n'y paraît. C'est que, comme le soutenait le sociologue et économiste Albert O. Hirschman, on peut toujours, en matière d'expression du mécontentement, distinguer au moins trois stratégies différentes (1). La plus simple est celle qui consiste à faire défection (exit). Telle est l'attitude des consommateurs qui, déçus par un produit, se tournent vers un autre. Il est des situations, toutefois, où faire «exit» n'est pas chose facile : si vous êtes mécontent du fonctionnement de votre centre des impôts, il vous sera malaisé de vous rendre chez un concurrent, attendu qu'il n'en existe pas. C'est alors que vous pourrez être tenté par une seconde stratégie : la prise de parole (voice), consistant à protester. Comme le note Hirschman, vous aurez d'autant plus tendance à y recourir que vous n'aurez pas la possibilité de faire défection.

Reste le cas où vous ne pouvez ni faire «exit» ni faire «voice». Par exemple, lorsque la défection est coûteuse, et la prise de parole réprimée, comme on le voit pour certains salariés dans certaines entreprises. Dans ce cas, vous pourrez être tenté d'adopter la dernière stratégie disponible : la loyauté (loyalty) qui consiste, tout bonnement, à taire son mécontentement, en endurant tant bien que mal