
Ce rattachement du SGAE à l’Élysée a un –bref- précédent, mais à une époque où l’Union n’avait pas les compétences qu’elle a acquises depuis : entre 1988 et 1990, Élisabeth Guigou, qui dirigeait ce qui s’appelait alors le SGCI, a été nommée conseillère Europe de François Mitterrand à une période clef, celle du lancement des négociations du projet de monnaie unique. Ensuite, cet organisme a été replacé sous la double tutelle du premier ministre et du ministre des Finances avant, fin 2005, de passer sous la coupe de Matignon (c’est aussi à ce moment qu’il a changé de nom).
Ce changement institutionnel implique que la politique européenne sera uniquement élaborée par l’Élysée et le ministre des Finances (en l’occurrence Michel Sapin) et qu’elle échappera largement à Manuel Valls. Avec l’importance prise par le Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement, c’est un développement logique : il était curieux que les positions de la France soient élaborées par le premier ministre alors que celui-ci n’y siège pas, pas plus, depuis le traité de Lisbonne, que le ministre des Affaires étrangères. Mais, afin de respecter l’ordre constitutionnel français, le conseiller Europe du premier ministre sera en même temps secrétaire général adjoint du SGAE: «Matignon sera ainsi dans la boucle», dit un proche du dossier. Ce rattachement à l’Elysée montre aussi que les affaires européennes occupent une place fondamentale dans la politique française. L’autorité du SGAE sur les ministres en sera renforcée d’autant.
Cependant, cette innovation soulève quelques questions : d’abord, beaucoup de dossiers européens ont des implications internes : par exemple la politique économique ou encore les aides d’État. Le premier ministre peut-il se retrouver ainsi renvoyé à la marge alors qu’il devra en assumer les conséquences sur le plan intérieur ? Ensuite, comment l’Élysée va-t-il pouvoir gérer autant de dossiers très techniques ? Enfin, si Matignon doit rendre des comptes de son action devant le Parlement, ce n’est pas le cas de l’Élysée, ce qui va encore accroître le déficit démocratique français, une grosse partie de l’interministériel échappant désormais à tout contrôle parlementaire… Mais, comme le remarque le haut fonctionnaire déjà cité, «la question démocratique préexistait déjà à cette nouvelle répartition des taches. Surtout, dans tous les pays de l’Union, la structure administrative est la même: c’est celui qui siège au Conseil européen qui gère en direct les affaires européennes».
N.B.: ajout d’une précision sur le rôle du conseiller Europe de Matignon.
Photo: Reuters