
Même s’ils pèsent 21 % des 751 députés européens, les eurosceptiques et les europhobes sont, de fait, profondément divisés entre eux. Certes, même s’ils sont tous très à droite du spectre politique, certains sont incontestablement démocrates (comme les conservateurs et le UKIP britanniques ou encore Droit et Justice (PiS) de Pologne), alors que d’autres sont d’extrême droite voire néo-nazis (comme le grec Aube Dorée ou le hongrois Jobbik). Pour ne rien arranger, certains de ces partis qui ont la haine de l’Europe en partage sont ouvertement homophobes, antisémites, xénophobes, l’un n’impliquant pas toujours l’autre...
Il n’est donc pas facile de réunir sur les mêmes bancs tout ce petit monde un rien nauséabond une fois les élections passées. D’autant que chacun a ses exclusives. Ainsi, le FN, en quête de respectabilité, a exclu toute alliance avec les néo-nazis d’Aube Dorée et du Jobbik, un peu trop voyants et violents à son goût. En revanche, il a passé un accord avec la Ligue du Nord italienne (qui a donc quitté l’EFD de Farage), le PVV du Néerlandais Geert Wilders, le FPÖ autrichien et le Vlaams Belang belge. Mais il manque encore des élus de deux pays pour atteindre le chiffre fatidique de sept. Nécessité faisant loi, Marine Le Pen a engagé des discussions avec le KNP polonais, un parti d’extrême droite homophobe dont le leader, Janusz Korwin-Mikke estime qu’Hitler n’était « pas au courant de l’extermination des juifs » et que les femmes sont « stupides » et devraient se voir privées du droit de vote, ainsi qu’avec l’un des députés VMRO bulgare, ce que n’apprécie guère Wilders…
Ces difficultés du FN à constituer un groupe sont dues à son image extrêmement dégradée en Europe. Pour Nigel Farage, il s’agit d’un parti fasciste et antisémite et les récentes déclarations de Jean-Marie Le Pen n’ont rien fait pour démentir cette appréciation : ce n’est pas un hasard si les Démocrates Suédois, pourtant membres, avec le FN, du parti paneuropéen Alliance européenne pour la liberté, ont finalement préféré rejoindre les bancs de l’EFD.
Reste que, même si Marine Le Pen parvient à ses fins, ces groupes politiques antieuropéens seront extrêmement fragiles puisqu’ils ne tiendront qu’à un député… L’expérience montre qu’avec une telle marge, il est rare qu’ils tiennent toute une législature.
N.B.: article paru dans Libération de samedi