L’artiste Anies Gomez fait ce qu’elle appelle des «portraits de vrais visages», c’est à dire qu’elle photographie ses modèles nus… avec le sexe masqué par une feuille sur laquelle, en trompe l’oeil, les modèles ont dessiné leur sexe. Leur sexe mâle et leur sexe femelle.
Pour faire votre portrait psychologique, certaines personnes vous demandent parfois de
Avez-vous dessiné les racines ? Si oui, vous êtes un enfant (dans la réalité on ne voit pas les racines). Si vous avez pris la peine de dessiner les feuilles une à une : maniaque. Si l’arbre a un tronc qui penche : vous êtes schizophrène. Si l’arbre a un tronc en sinusoide : choc affectif. (Cette
[ grille de décryptage absurde se trouve ici ]
, je décline toute responsabilité).
Imaginez maintenant qu'on vous demande de dessiner non pas un arbre mais un sexe féminin sur une première feuille et un sexe masculin sur une deuxième feuille. Allez-vous détailler les poils ou les plis ? Mettrez-vous en scène un sexe gonflé de sang ou au repos ? Ferez-vous un croquis de pissotière ou tenterez-vous le réalisme ? L'idée est de Anies Gomez, artiste plasticienne passionnée par les représentations génitales. Elle organise cette semaine, dans le cadre du festival Erosphère (du 28 au 31 août, près de l'Hôtel de ville à Paris), une séance à laquelle tous les festivaliers sont invités à participer. «Double Je, protocole participatif de découverte de soi». Chacun doit faire deux dessins. Après quoi, vient la séance photo. Chacun doit se mettre à poil et poser, avec le dessin placé devant le bassin, pour dissimuler ses organes génitaux à l'aide d'un dessin d'organe génital.
L’originalité de la séance vient de ce que chaque modèle volontaire est photographié en gros plan : du nombril à mi-cuisses, afin de rendre l’identification du corps plus difficile. Il s’agit de faire en sorte qu’on ne sache plus très bien qui est mâle, qui est femelle. Ne sommes-nous pas tous un peu des deux ? Les dessins d’organes génitaux, masquant les organes véritables, ce sera au spectateur d’essayer de deviner. Pourriez-vous savoir, rien qu’en regardant un dessin de vulve ou de pénis si la personne qui l’a dessiné est homme ou femme ? Pourriez-vous, vous-mêmes, accéder à une meilleure connaissance de qui vous êtes en comparant vos dessins avec ceux des autres ?
Voilà tout ce à quoi Anies Gomez invite les participants… Un travail sur l’idée qu’on se fait des sexes. Une photographie aux rayons XXX.
Les règles du jeu : «
chacun des participants effectue au moins 2 dessins de sexe : 1 masculin et 1 féminin. les matériaux mis à disposition sont les mêmes pour tous, papier, feutre (qui permet de garder une certaine spontanéité).
Chaque participant pose avec ses propres dessins placé devant son sexe. Les dessins réalisés sont des sortes de projections, entre stéréotype (les modes de représentations qu’on a tous plus ou moins intériorisés), expérience personnelle (le dessin va forcément refléter l’état d’esprit de la personne à 1 moment précis, celui du dessin. Les questions éventuelles sur sa sexualité, le rapport présent avec son corps...)
».
L’objectif du jeu : «
du fait que le dessin (la projection) prend la place du vrai sexe, il y a une sorte de mise en abîme. Le portrait est celui de l’intimité d’une personne. Le cadrage resserré dépersonnalise et accentue le sujet du travail et le recentre. Aucun élément ne vient influencer le résultat, le corps redevient universel
».
L’importance de dessiner les 2 sexes quelle que soit d’ailleurs l’orientation sexuelle du dessinateur : «
la question du genre est inévitable parce qu’elle fait partie de notre construction culturelle, sociale et sexuelle. la manière dont cette question est vécue, posée (ou non) est mise en évidence par les dessins mais aussi par la photo (la posture, ainsi que le rapport entre le corps et les dessins qui peut parfois être troublant)
».
Le décryptage de l’image : «
il n’y a pas de charte de décryptage des dessins. Les conclusions, les lectures du travail appartiennent à ceux qui le regarde. Je crois que le rôle d’un artiste est de poser des questions et ce travail ne fait rien d’autre. Les réponses et leurs conséquences (s’il y en a !) appartiennent à chacun des participants et des regardeurs
».
Festival Erosphère : du jeudi 28 au dimanche 31 août. (Jeudi-samedi : de 10h à 22h / Dimanche : de 14h à 22h).
Lieu : Micadanses, 15 rue Geoffroy-L’Asnier 75004 Paris.
Attention : le festival commence dès mardi soir, le 26 août, à Micadanses, avec une soirée très spéciale, entre performances, expos et animations bizarres. La soirée s'appelle Avant-Goûts