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Libération

Le mythe de l’humain augmenté 

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Face à certains transhumanistes qui prônent le dépassement de notre condition biologique, nous devons revenir aux réalités des personnes appareillées qui ne sont pas des hommes machines.
De l'homme réparé à l'homme augmenté il n'y a qu'un pas (Christophe Lepetit.AFP)
par Nathanaël Jarrassé, Chercheur CNRS à l’Institut des Systèmes Intelligents et de Robotique (unité CNRS/UPMC/Inserm)
publié le 4 décembre 2014 à 16h43

«Rendre une sensation de toucher à un sujet amputé appareillé», «dévier des nerfs pour améliorer la commande de prothèses robotiques», «fixer directement une prothèse de bras sur l'os»: autant d'innovations de laboratoires porteuses d'espoir pour les patients. Pourtant cela semble peu face au spectacle technologique qu'offrent les films de science-fiction. Avec la prolifération des images de cyborgs ou d'«hommes augmentés» (comme dans les films RoboCop et Elysium, le jeu vidéo Deus-Ex, ou même le discours de certaines armées sur leurs soldats du futur) et le développement de la confusion entre virtuel et réel, nous sommes englués dans ce que Barthes, dès 1957, définissait comme «le divorce accablant de la mythologie et de la connaissance» dans Mythologies. Pour lui, «la science va vite et droit en son chemin, mais les représentations collectives ne suivent pas» ; aujourd'hui, nous voyons que leurs anticipations tendent à interférer avec nos recherches et la perception de nos indéniables, mais patientes, innovations.

Ce décalage entre l’attrait fantasmé de notre société pour les technosciences et nos travaux se trouve amplifié par la vulgarisation parfois simpliste des avancées technologiques. Un certain sensationnalisme extrapole les résultats scientifiques et suscite des débats passionnés au sein même de la communauté des chercheurs sur l’homme augmenté, alors que nous n’en sommes qu’à essayer de le «réparer». Fa