L'opposition républicaine doit soutenir sans réserve les mesures antiterroristes du gouvernement Valls. Le renforcement des services du renseignement intérieur et de la juridiction antiterroriste, la création d'un fichier des personnes condamnées pour terrorisme, l'obtention des données PNR (Passenger Name Record) des passagers européens, l'isolement des prisonniers radicalisés dans des quartiers spécialisés, sont des mesures de bon sens.
En plus de ces bonnes mesures, il est nécessaire de traiter un enjeu tout à fait crucial : le financement du terrorisme. La génération spontanée n’existe pas. L’endoctrinement, l’armement, l’entraînement militaire, requièrent des ressources humaines et matérielles, y compris des camps d’entraînement. Tout cela a un coût, et donc, tout cela a des mécènes.
Le mécénat qatari et saoudien
Outre l’autofinancement de Daech par pillage au fil de ses conquêtes irakiennes, plusieurs voix se sont élevées, aussi bien ces dernières années que ces derniers mois, pour désigner les bailleurs de fonds du terrorisme. Yves Bonnet, ex-directeur de la DST, a dénoncé voici deux ans le mécénat qatari et saoudien. Louis Caprioli, ex-sous-directeur de la DST pour la lutte contre le terrorisme, a cité le financement de camps d’entraînement djihadistes en Tunisie et en Libye par le Qatar.
Voir ces pays comme des Etats modernes sponsorisant le terrorisme, sur le modèle des Etats-Unis et de l’URSS pendant la guerre froide, serait cependant une erreur d’analyse. Le pouvoir politique demeure en effet dans ces pays une nébuleuse dynastique pléthorique, confuse et tentaculaire. Par ailleurs, le fond du problème n’est pas l’action des gouvernements, mais plutôt leur inaction et leur impuissance. C’est le sens des déclarations de David Cohen, vice-ministre américain pour le terrorisme et le renseignement financier, qui a accusé en 2014 les gouvernements koweïtien et qatari de laisser faire librement sur leur sol les collecteurs de fonds destinés au terrorisme.
Le détournement du waqf
De fait, le problème central est en réalité le détournement du waqf. Dans l'islam, le waqf désigne le don d'un bien, par exemple une maison, à une association caritative religieuse : les revenus issus de ce bien, qui devient aussitôt inaliénable, contribuent à financer les activités de l'association. Le waqf désigne par extension les associations religieuses qui se financent ainsi. Or, aussi bien au Koweït qu'en Arabie Saoudite, au Qatar et ailleurs, des pans entiers du waqf servent, sous couvert de charité musulmane, à financer le terrorisme tantôt wahhabite, tantôt salafiste. En d'autres termes, ces pays sont des «paradis fiscaux du terrorisme» : des havres de tranquillité pour qui veut y collecter les fonds nécessaires afin d'endoctriner, d'entraîner et d'armer les kamikazes du totalitarisme obscurantiste.
Il est par conséquent urgent d'écouter les professionnels du renseignement tels qu'Alain Chouet, ex-chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE, qui, tout récemment dans Le Point, souligne l'urgence de s'attaquer aux parrains idéologiques et financiers du terrorisme. Cet enjeu appelle, en bonne logique, la même réponse que face aux paradis fiscaux. Le G20 et l'Union européenne doivent adopter une liste noire des pays qui laissent faire les collecteurs de fonds du terrorisme. Ils doivent prendre des sanctions contre les pays les plus laxistes en la matière : embargos économiques et bancaires ciblés, confiscations d'avoirs aux Etats-Unis et en Europe, interdiction de visa pour les hauts dirigeants et leurs enfants, boycott des grands événements sur le sol de ces pays, et ainsi de suite.
La propagande totalitaire-obscurantiste
Parallèlement, le G20 et l’Union européenne doivent réagir face aux médias de ces pays qui hébergent la propagande totalitaire-obscurantiste. Par exemple, le prêcheur obscurantiste Youssef al-Qaradawi a sa propre émission sur Al Jazeera, chaîne d’information continue qatarie. Or, il estime entre autres que les attentats-suicides sont conformes au Coran, que l’homosexualité doit être punie de mort, et que battre son épouse est licite. De tels médias doivent être interdits d’accès et de diffusion, sur Internet et à la télévision satellitaire, par tout pays du G20 et de l’Union.
La réponse sécuritaire, si indispensable soit-elle, ne peut suffire face à l’obscurantisme. Il faut combattre sans relâche les racines profondes du terrorisme et affaiblir durablement ses sources de financement. Et vite !