Les discussions
entre la Grèce, la zone euro et le Fonds monétaire international (FMI) avancent
lentement, trop lentement. Lors de la réunion informelle de l’Eurogroupe (les
dix-neuf ministres des Finances de la zone euro) de Riga (Lettonie), Yanis
Varoufakis, le flamboyant ministre des finances grec, a de nouveau été rudement
critiqué par ses partenaires au point que le Premier ministre grec, Alexis
Tsipras, a décidé, lundi, de remanier son équipe de négociation afin de mettre
sur la touche son ministre des finances dont le crédit est désormais proche de
zéro. Le temps presse : un rendez-vous « décisif », un de plus,
a été fixé au 11 mai, date du prochain Eurogroupe.
En février dernier,
la Grèce a soumis une liste indicative de réformes qu’elle était prête à mettre
en œuvre en échange de la prolongation jusqu’à la fin juin du second plan
d’aide financière (avec un versement de 7,2 milliards d’euros de prêts à la
clef). Mais, ensuite, il a fallu entrer dans les détails, la zone euro et le
FMI voulant s’assurer, d’une part, que le budget grec resterait excédentaire
afin de permettre à la Grèce de rembourser à terme les prêts déjà consentis et,
d’autre part, que l’État et l’économie grecs seraient remis durablement sur les
rails afin d’éviter une nouvelle faillite. Or, depuis, les négociations
bloquent, c’est le seul fait dont on soit certain.
Pour quelles
raisons précisément ? Nul ne le sait, tout se déroulant
derrière des portes closes. À Bruxelles, seules quelques bribes d’informations
sont lâchées en off (sans attribution) : la réforme de l’État, et
notamment la mise en place d’une administration fiscale efficace, n’irait pas
assez loin, la Grèce refuserait en bloc la « réforme du marché du
travail », la remise à plat du système de retraite ou encore l’augmentation
de la TVA dans les îles … À Athènes, on est nettement plus disert. Syriza
accuse « Bruxelles » de vouloir poursuivre une politique d’austérité
contre laquelle il a été élu en persistant à vouloir donner tous les pouvoirs
aux patrons au détriment des travailleurs, en exigeant une baisse de toutes les
retraites, en cherchant à détruire l’économie des îles, en demandant la saisie
des maisons dont les emprunts ont cessé d’être remboursé, en refusant
l’augmentation du salaire minimum dans le privé…
Autant dire que le black out observé par les institutions communautaires permet au gouvernement grec de faire porter le chapeau à l'ignoble, forcément ignoble, « Bruxelles ». Ainsi, Euclide Tsakalotos, ministre délégué à l'économie internationale et depuis lundi chef de l'équipe de négociations avec la zone euro, accuse, dans un entretien à Médiapart, ses créanciers de poursuivre une stratégie cynique visant à « nous conduire, avec l'épuisement des liquidités dont dispose l'État grec, à un point où nous serons obligés de faire encore davantage de compromis ». En l'état actuel de ce que l'on sait de l'état des discussions, c'est effectivement tout à fait possible.
Il donc impératif
de sortir de cette opacité qui nuit à l’image de l’Europe, notamment en Grèce.
Pourquoi la zone euro ne publierait-elle pas la liste précise des réformes
qu’elle et le FMI exigent et, en face, ce que propose le gouvernement
grec ? Cela permettrait à chacun de se faire une idée de la réalité de la
négociation. La réforme du marché du travail, cela ne veut rien dire en soi.
Quelles sont les mesures précises qui sont demandées, à quelle échéance et
pourquoi ? Même chose pour les retraites (est-ce qu’il s’agit de les
diminuer alors qu’elles ont déjà baissé de 30% ou de retarder les cessations
d’activité, à quelle échéance et pourquoi ?) ou l’augmentation de la TVA
ou la réforme de l’État, etc..
On ne voit aucune
raison à cette opacité alors que ces négociations engagent l’avenir non
seulement des Grecs, mais aussi celui de l’ensemble des citoyens de la zone
euro. On n’est plus, à l’intérieur de la zone euro, dans des discussions entre
États souverains, mais dans l’élaboration de politiques économiques et
budgétaires qui, dans toute démocratie qui se respecte, doivent être
transparentes. Les citoyens européens ont le droit de savoir.