On découvre une étrange tribune -comme s'il y avait le feu à la maison France- autour d'un sujet qui semble urgentissime aux yeux des signataires du texte «Pour l'arrêt immédiat…» .
Quatre types d’arguments y sont battus et moulinés à l’envi depuis des années :
1. Les droits humains seraient violés par la GPA, une exploitation pure et simple de femmes pauvres, sous informées, exploitées etc.
2. La PMA dans son ensemble est également visée car les femmes françaises ou espagnoles qui donnent – «vendent» paraît-il - leurs ovocytes pour que des couples infertiles puissent bénéficier de FIV tombent sur le même couperet ; argument d’autorité qui émane d’auteurs dont aucun n’est d’ailleurs spécialiste de la question.
3. «Le lien biologique» entre la mère et l’enfant serait rompu ce qui entraînerait des conséquences durables pour tous les protagonistes (mère porteuse et enfant). De quel corpus scientifique provient cet argument massue du «lien biologique» ? Pas de la psychanalyse en tout cas. Certes il existe le plus souvent un lien humain entre une femme enceinte et le bébé qu’elle porte, mais ce n’est pas toujours les cas (les enfants adoptés ne sont, a priori, pas psychotiques…). Et la PMA n’est pas une médecine vétérinaire.
4. La GPA serait enfin très dangereuse au plan médical. Idem pour le don d’ovocytes qui a permis la naissance de dizaine de milliers de bébés dans le monde. On lira dans ce texte huit lignes terrifiantes sur les complications obstétricales gravissimes de la GPA et de la FIV avec don, allant jusqu’à la mort de la gestatrice ! Bizarrement aucun obstétricien, seul compétent en ce qui concerne les risques médicaux, n’a signé cette tribune…
Visiblement ce cri d’alarme vient de loin, il vise notamment le classique argument de la «nature» : «Vous êtes infertiles, hétéro ou homo ou encore célibataire, eh ! bien restez-le».
Je serais curieuse de savoir ce que ces spécialistes vont penser de la greffe d’utérus, une alternative médicale à la GPA qui a déjà permis la naissance de plusieurs bébés dans le monde (Suède, Turquie) ; la France est pour sa part dans les starting-blocks pour la prochaine naissance. Une sorte de «nature» sera peut-être respectée : l’utérus sera en effet greffé chez la femme qui deviendra enceinte. La provenance de cet organe ? Ce sera de la mère qui pourra le donner, ou une amie de la mère, ou une morte. Ou encore il pourra être donné par une personne transsexuelle qui veut devenir homme… De quelle «nature» est-il question? Et quel risque de casse (deux opérations, l’une pour prélever l’utérus, l’autre pour le greffer) ! Tout ça pour esquiver la réflexion sur une forme particulière de don et de contre-don d’organe qui est loin de se résumer à une somme d’argent. (Réflexion qui a été conduite pour le don de rein, de foie, à partir de donneurs vivants, amis, conjoints des receveurs). Je parie que, lors de la future naissance après transplantation d’utérus, nos spécialistes vont devoir se concerter à nouveau pour débattre du critère moral de l’enfantement naturel.
Dernier ouvrage : Voyage au pays des infertiles, Ed. Odile Jacob, 2014.