La chanson de mon cher ami Country Joe McDonald, sujet histoire du bac général? Quel prof élevé au biberon Woodstock, fils ou fille de babyboomer, nostalgique de fumée et autre LSD, a eu l'idée de traduire et de balancer aux candidats cru 2015 en critique de documents : «Vietnam Song (Live From Woodstock») ? C'est comme si je rentrais moi aussi au Panthéon (même que je ne suis pas encore morte) ou qu'on me donnait la légion d'honneur.
Les candidats L, ES, S, doivent expliquer à travers la chanson de Country Joe et une photo d'un Américain sur la lune, «la puissance des Etats-Unis à la fin des années 60» (https://www.liberation.fr/societe/2015/06/18/epreuv...) Alors faisons de l'histoire sérieuse.
En cet été 69, l’Amérique est bien embourbée dans la sale guerre du Vietnam. Les jeunes Américains, révoltés, brûlent des drapeaux et se rallient autour de leur étendard à eux: «Sex, Drugs & Rock and Roll.» C’est l’époque des grands concerts, Monterey en Californie puis Woodstock où un million de jeunes passeront «trois jours d’amour et de musique» dans la boue et l’extase. Génération Woodstock est née.
Le casting est fabuleux, unique au monde. Janis Joplin, Grateful Dead, Jefferson Airplane, Richie Havens, Arlo Guthrie, John Sebastian, Jimmy Hendrix qui torturera The Star Spangled Banner, Crosby, Stills, Nash, and Young, The Who, Santana, Ravi Shankar, Joe Cocker etc etc. Et, un peu par hasard, Country Joe connu en Californie pour ses chansons folk-rock contre la guerre du Vietnam.
Au deuxième jour de Woodstock il monte sur scène, terrifié par le million de jeunes défoncés et heureux devant lui. En uniforme de GI's, il joue en solo, sans son groupe «The Fish», avec une guitare Yamaha acoustique. Il commence: «Give me an «F», give me a «U», give me a «C», give me a «K», Whats that spell ? » lance -t- il à la foule. «FUCK !» répond le peuple des jeunes en choeur. «FUCK !!!!»
Ce lancement n’apparait pas dans la traduction française pour le baccalauréat, pourtant il fait partie des lyrics de la chanson. Pas de FUCK pour les candidats français, ce FUCK qui sera l’image de marque de cette chanson et lui vaudra d’être interdite sur les ondes. Country Joe tient à son FUCK, c’est le message qu’il envoie, comme dit la chanson, à Wall Street, aux généraux , à Oncle Sam.
«What are we fighting for ? - Don’t ask me I don’t give a damn - Next stop is Vietnam. (I feel like I’m fixin’ to die Rag)
La chanson est magnifique, dans la tradition folk militante de Woody Guthrie, mais diffusée à travers une sono monstrueuse construite sur des grues pour le public géant. L’événement est filmé, Joe devient une star, et condamné à chanter cette chanson longtemps après que la guerre soit finie.
Fils de communistes, élevé à Berkeley, il s’appelle Joe comme Joseph Staline, et son groupe «The Fish» en référence à l’une des phrases terrifiantes de Mao qui intimait à ses troupes d’être dans les masses comme un poisson dans l’eau. Célèbre, Joe McDonald continue à vivre à Berkeley où les gauchistes vieillissent sans changer.
J'adore l'idée que quelqu'un avec qui j'ai passé de longues années (no comment), un chanteur sans le moindre diplôme, ayant expérimenté toutes les drogues disponibles sur le marché — certains rockers comme Janis Joplin n'y ont pas survécu — toujours contestataire, arrive enfin à l'apogée de la respectabilité française : «Je suis un sujet pour le baccalauréat.»
Un modèle pour notre jeunesse.
Annette