Etre travailleur indépendant est un statut, pas une profession. Nous ne sommes pas des entrepreneurs dans l’âme, nous sommes avant tout des travailleurs, ni plus ni moins que les salariés. Aujourd’hui professionnel indépendant (parfois par choix, parfois par obligation), demain peut-être salarié dans une entreprise, dans quelques années à la retraite comme tout un chacun.
Avec le prélèvement des impôts sur le revenu à la source, le gouvernement semble aller dans le bon sens… pour les salariés. Plus de transparence, moins de mauvaises surprises, de la simplification. C’est ce que nous attendions tous. Afin de glisser d’un système à l’autre, l’année blanche en 2017 permettra aux salariés de conserver leur pouvoir d’achat. Les impôts à régler en 2018 seront (sauf changement de revenu important) à peu près les mêmes que ceux des années précédentes. Ainsi, le gouvernement entend éviter aux contribuables français de payer la même année deux fois leurs impôts. Ce qui serait tout simplement impossible pour la plupart d’entre nous.
Mais qu’en est-il des professions libérales ? Nos revenus ne sont pas fixes. Et il semble trop complexe pour le Trésor Public de percevoir nos impôts en temps réel (chaque mois), bien que nous fassions chaque mois une déclaration de TVA permettant au service des impôts de connaître exactement nos revenus en temps réel. Soit. Le gouvernement semble donc se diriger vers une solution étrange et inégalitaire mettant en danger plus de 3 millions de contribuables, travailleurs indépendants.
Les professionnels libéraux ne bénéficieraient pas de l’année blanche prévue pour les salariés, et continueraient à être imposés sur l’année précédente. Au-delà de l’inégalité flagrante face à l’impôt sur le revenu (les salariés exonérés d’une année d’impôts, les indépendants non), cela engendrerait deux problèmes ayant comme conséquence la mise en faillite personnelle de certains d’entre nous.
D’une part, cela signifierait que nous serions bloqués dans un statut ad vitam aeternam. L’année où nous déciderions de (re)devenir salariés, nous paierions deux fois l’impôt sur le revenu la même année (par prélèvement à la source pour notre nouvelle activité salariée et sur déclaration pour notre ancienne activité indépendante). Ce serait alors très compliqué pour chacun, impliquant une baisse considérable de notre pouvoir d’achat ladite année. Exactement ce que le gouvernement essaye d’éviter pour les salariés. Pourquoi le faire pour certains et pas pour tous ?
D’autre part, cela engendrerait un début de retraite très difficile pour tous les travailleurs indépendants, exactement pour les mêmes raisons. La retraite étant imposée à la source, notre ancienne activité indépendante non.
Les discussions n’en sont qu’à leurs balbutiements. Je suppose que je ne suis pas le seul à m’en inquiéter. Mais voici deux suggestions simples. La première : exonérer d’impôts sur le revenu les travailleurs indépendants l’année où ils changeraient de statut et deviendraient salariés. Une sorte d’année blanche «glissante». La seconde proposition : faire bénéficier les travailleurs indépendants de l’année blanche 2017, comme les salariés (avec peut-être des contrôles accrus ou des limites d’augmentation de chiffre d’affaires pour éviter au maximum les optimisations). Et prélever chaque mois (comme l’Urssaf le fait déjà) des impôts sur le revenu prévisionnel sur l’année en cours, avec des régularisations en fin d’année.
Il existe des solutions pour éviter de mettre plusieurs millions de contribuables volontairement ou par négligence en danger. Evitons, avant qu’il soit trop tard, de créer une fracture entre deux façons d’exercer son métier. Les indépendants sont comme les salariés, des citoyens à part entière, contribuables et fiers de l’être, des travailleurs œuvrant à faire tourner la même économie du même pays. Ne nous abandonnez pas.