L’accord entre la
Grèce, la zone euro et le Fonds monétaire international (FMI) devrait être
conclu lors du Conseil européen qui aura lieu jeudi et vendredi à Bruxelles.
Les dix-neuf chefs d’État et de gouvernement de la zone euro réunis hier soir
dans la capitale européenne se sont contentés de noter que les propositions
détaillées soumises par Alexis Tsipras, le Premier ministre grec, étaient une
« bonne base », même s’il « faut continuer à travailler
intensément », comme l’a expliqué Angela Merkel, la chancelière allemande.
Selon une source européenne, « Athènes a rempli 90 % des demandes qui
lui étaient faites ». En clair, elle a dû se résoudre à proposer de
tailler dans ses dépenses, notamment dans le budget des retraites, et
d’augmenter les impôts (TVA, impôts sur les sociétés, cotisations sociales des
retraités), ce qui est loin d’être une victoire pour le gouvernement grec.
Celui-ci n’avait
plus guère le choix : la Grèce est au bord du défaut de paiement, le plan
d’assistance financière européen arrivant à échéance le 30 juin, les retraits
massifs effectués par les Grecs ont fragilisé le secteur bancaire désormais
tenu à bout de bras par la Banque centrale européenne (BCE) et l’économie s’est
effondrée (les prévisions de croissance sont passées en quelques mois de
3 % à 0,5 %). Le pays a désespérément besoin des 7,2 milliards
d’euros d’aide promis par ses créanciers. Il a donc fallu faire un effort pour
dégager un surplus budgétaire primaire (avant la charge de la dette) que les
créanciers ont accepté de ramener à 1 % 2015 (contre 3 %), à
2 % en 2016 et à 3 % en 2017.
Pour ce faire, Syriza,
le parti de gauche radicale au pouvoir en Grèce, a dû se résoudre à accentuer
l’austérité qu’il voulait remettre en cause. Si la TVA sur l’électricité
(13 % actuellement) et les médicaments (6 %) devrait rester à son
niveau actuel, Athènes a accepté la simplification du système en proposant de
créer trois taux (6 %, 13 % et 23 %), alors que les
créanciers en exigent deux (11 % et 23 %), ce qui devrait être
entériné. La Grèce accepte que la TVA réduite appliquée aux îles soit remise en
cause, mais seulement pour les plus riches (Mykonos, Santorin, Rhodes). Mais
elle refuse encore d’augmenter la TVA sur l’hôtellerie et la restauration à
23 % alors que cela permettrait d’atteindre les objectifs budgétaires
qu’elle a acceptés. C’est un point dur, mais comme le fait remarquer une source
européenne, « ce sont les touristes, notamment allemands et français, qui
la paieront »…
Athènes propose
aussi que l’impôt frappant les revenus de plus de 50 000 euros par an soit
augmenté et qu’une taxe de solidarité de 8 % touche les revenus de plus de
500 000 euros, mais que ceux inférieurs à 30 000 euros soient moins
imposés. Elle accepte aussi que l’impôt sur les sociétés passe de 26 % à
29 % et qu’une taxe de 12 % touche les bénéfices de plus de 500.000
euros (elle voulait au départ un million d’euros). Les piscines, les avions,
les voitures de luxe, les bateaux de plus de 10 mètres devraient aussi être
davantage taxés.
Le gouvernement
grec a dû se résoudre à réformer en profondeur son système de retraite, mais
seulement d’ici à 2020. Il propose dans l’immédiat que les retraités voient
leurs impôts augmenter de 3,9 % et qu’ils cotisent davantage au système de
santé (+ 5 % en moyenne), soit un gain de près d’un milliard d’euros. Il
accepte aussi que les préretraites soient supprimées, mais seulement
graduellement entre 2016 et 2025, et que l’âge légal de la retraite passe dans
le même délai à 67 ans (alors que Syriza avait promis de le ramener à 60 ans).
Le budget de la défense devrait aussi mis à contribution en 2016 à hauteur de
200 millions d’euros, ce qui reste un effort modeste (Athènes vient, par
exemple, de signer un contrat de 500 millions d’euros pour remettre à niveau
des avions de surveillance côtière vieux de 40 ans…). Enfin, la Grèce s’engage
à poursuivre les privatisations, mais elle exige que l’opérateur historique de
télécoms et le distributeur d’électricité ne soient pas concernés). Au total,
ces mesures sont censées rapporter 2,69 milliards d’euros en 2015 et 5,2
milliards en 2016 (2,87 % du PIB). « Pour la première fois, le poids
(de l’effort) ne reposera pas sur les salariés et les retraités », a clamé
le Premier ministre grec. « Nous protègerons les pensions et les
salaires, nous protégerons les familles
moyennes et pour la première fois le poids reposera sur ceux qui en ont la
capacité ». Une affirmation qui a tout de l’autopersuation…
La zone euro et le
FMI estiment cependant que l’effort proposé est encore insuffisant. Tout comme
ils rechignent à se montrer trop précis sur la restructuration de la dette, alors
qu’ils s’étaient engagés, fin 2012, à réexaminer la question de sa
soutenabilité lorsque la Grèce dégagerait un excédent primaire, ce qui est le
cas depuis 2014… « La question la plus urgente n’est pas celle du
remboursement de la dette » puisqu’Athènes ne devra rien payer à la zone
euro avant 2023 a ainsi éludé la chancelière manifestement soucieuse de ne pas
braquer son Parlement. En revanche, Jean-Claude Juncker, le président de la
Commission a répété qu’il était prêt à dégager de l’argent (un milliard d’euros
immédiatement) pour relancer l’économie grecque. Enfin, la question d’un
prolongement du programme d’assistance financière n’est pas encore
tranchée : l’idée est de le poursuivre jusqu’au printemps 2016 et de
trouver des sommes supplémentaires (la somme de 30 milliards d’euros est
évoquée) afin d’évite à la Grèce un retour prématuré sur les marchés
financiers.
Ce sont les
ministres des Finances de l’Eurogroupe qui devront finaliser l’accord au cours
d’une réunion convoquée mercredi, la veille du conseil européen, les chefs
d’État et de gouvernement se contentant d’en prendre acte. C’est aussi une
défaite politique pour Tsipras qui voulait que le compromis soit bouclé par les
« chefs » afin de montrer à ses concitoyens qu’il s’agit bien d’une
affaire politique. Angela Merkel a aussi exigé que l’éventuel accord soit
d’abord approuvé par la Vouli, le parlement monocaméral grec, avant que les
parlements nationaux soient saisis… Pas question de risquer un énième
camouflet.