Alain De Greef était indissociable de l'esprit Canal tant vanté - et décrié - au milieu des années 90. Avec la disparition de ce directeur des programmes emblématique, c'est un pan de cette culture télévisuelle qui s'en va et qui n'a manifestement pas trouvé de successeur. Même s'il avait pris ses distances avec ce milieu, Alain de Greef gardait sa capacité d'analyse et un regard mordant sur l'évolution de la télé. Associé à des programmes tels que les Guignols, Nulle Part Ailleurs ou encre Groland, découvreur des Nuls ou de Jamel, Alain de Greef a eu une manière bien à lui de mettre à l'antenne des programmes et de lancer des animateurs. Un mélange de flair et d'audace rendu possible par la liberté octroyée par la chaîne cryptée à cette époque, et la solidarité qui y régnait face aux critiques violentes dont elle faisait l'objet. «La solidarité face à la haine, c'est peut-être ça l'esprit Canal», avait d'ailleurs lâché Alain de Greef à Libé , deux ans avant d'être débarqué.
Cette manière de faire de la télé n'est plus envisageable aujourd'hui. Ce n'est pas anodin si certaines des émissions évoquées plus haut ou certains concepts lancés à l'époque sont toujours à l'antenne, mais en version un peu plus fades, un peu moins folles. Attendant d'être essorés jusqu'à l'usure. Pillée par tous ses concurrents, Canal + est passé à l'âge du tout professionnel. Bref, l'âge adulte ou l'âge chiant, au choix. Les émissions sont désormais sur des rails, elles sont pilotées par des professionnels, mais elles ne risquent pas l'accident qui fera parler dans les foyers, les cours de récré, aux machines à café. Ironie de l'histoire, on a appris ce mardi que Vincent Bolloré, le patron de Vivendi, voulait la peau des Guignols à la prochaine rentrée pour cause d'irrévérence. Alain de Greef lui-même n'aurait pas aimé qu'on entonne la petite musique du «c'était mieux avant». Il a toujours plaidé pour que les chaînes prennent des risques. Son véritable héritage est là.