Avec ses 22 mètres sur 5,50 mètres, le Marie-Rose était destiné au port de Bayonne pour devenir un bateau pilote (tout en restant basé à Saint-Jean-de-Luz). Rien à voir avec la splendeur du Mary-Rose d'Henry VIII mais le bateau est solide avec des pièces principales comme la quille en chêne et les membrures sciées en chêne. Le Marie-Rose résiste au temps grâce à un entretien permanent et sert à Bayonne pendant de nombreuses années avant de devenir un bateau promenade à Saint-Jean-de-Luz dans les années 1970. Le Marie-Rose pourrait témoigner de l'essor du tourisme de masse de la deuxième moitie du XXe siècle sur la côte atlantique lui qui ne devait servir qu'à éviter les bancs de sable de l'embouchure de l'Adour.
Le Sénégal qui a déjà une longue tradition de pêche en eau douce et en mer se trouve face à des pécheurs européens souvent mieux équipés et qui n'hésitent pas à utiliser des techniques de pêche industrielle déjà responsables pour l'appauvrissement du milieu marin dans l'Atlantique nord. Les accords entre pays européens et africains sont à cet égard révélateurs des rapports de force entre les deux continents alors que des pays comme la Mauritanie et le Sénégal accordent des licences à certaines conditions. Les accords entre Sénégal et l'Union Européenne de 2014 par exemple fixent des quotas de pêche pour certaines espèces comme le merlu noir contre une redevance annuelle (2,8 millions d'euros) et la promesse d'employer un certain pourcentage de marins sénégalais et de débarquer le poisson au Sénégal.
Cette pêche est censée se produire avec des règles fixes comme l'installation de balises sur chaque bateau, l'obligation de déclarer ses prises aux autorités sénégalaises et de signaler toute activité illégale. Il s'agit de théorie. Le pillage des ressources en Afrique ne se limite pas qu'aux minerais mais s'effectue aussi en mer avec de nombreux bateaux qui pêchent sans licence ou bien de manière non sélective et revendent une partie de leur capture de manière illégale. Outre l'épuisement des ressources de la mer, c'est une partie de l'économie sénégalaise qui est menacée par ces pratiques qu'il est difficile de chiffrer précisément. Bien souvent, ces poissons ne finissent même pas en Afrique de l'ouest mais dans les ports européens. Il ne s'agit plus de petits chalutiers comme le Marie-Rose mais de chalutiers pélagiques longs de plus de 100 mètres. Clairement, les petites pirogues de pêche locales ne peuvent pas faire face à cette compétition et doivent aller pêcher de plus en plus loin pour trouver du poisson (voir le rapport de Greenpeace).
A l’intérieur du bateau - du Pays Basque (droite) au Sénégal (gauche)
Les chalutiers chinois depuis le début des années 2000 arrivent en plus grand nombre et sont de plus en plus équipés. Alors que certains sont pourvus de congélateurs, certains poissons sont directement transformés sur les bateaux faisant de ceux-ci des bateaux-usines. Le symbole du navire chinois éventrant le petit bateau européen en bois des années 1930 est sans doute aucun extrême tant les Européens ont toujours eux-mêmes recours à des pratiques industrielles au large des côtes africaines. Cependant, le phénomène s'est maintenant étendu et les eaux ouest-africaines exceptionnellement riches comparées à d'autres parties de la planète sont en train de se vider de leurs ressources. Il suffit de regarder le trafic maritime en temps réel sur marinetraffic.com pour s'en rendre compte.
La multiplication des navires s'accompagne de constructions d'usines sur le rivage pour transformer les poissons en farine. Outre l'épuisement des ressources halieutiques, c'est la physionomie des sociétés qui vivent sur le rivage qui change. La surpêche et l'installation d'usines russes ou coréennes font grimper le prix du poisson et mettent en danger le mode vie de certaines populations qui dépendent directement de la pêche. C'est bien le thème de la sécurité alimentaire qui revient dans de nombreux cas. Face aux promesses de création d'emplois, les revendications des populations affectées par ces changements - les femmes en particulier - pèsent bien peu.