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Passage en revues

Effusions, flagellation, microagressions : trois longs formats à lire ce week-end

Chaque semaine, Olivier Postel-Vinay, directeur du magazine «Books», décortique les longs formats des revues anglosaxonnes. Morceaux choisis.
Les larmes d'André Ayew et Jonathan Mensah après la défaite du Ghana en finale de la CAN devant la Côte d'Ivoire, le 8 février 2015 à Bata (Photo AFP)
publié le 19 septembre 2015 à 10h30

Le capitalisme fait moins pleurer les hommes

Le fait est établi : les femmes pleurent davantage que les hommes (en moyenne cinq fois plus souvent et pendant des périodes deux fois plus longues, selon une étude de la Société allemande d'ophtalmologie). Mais la génétique n'est pas forcément en cause. Jusqu'aux Lumières au moins, pleurer était acceptable et même socialement valorisé. Les héros de l'Iliade versent des torrents de larmes ; Lancelot sanglote dès qu'on l'éloigne de sa Guenièvre ; et même Jésus est décrit pleurant. Pourquoi, alors, les hommes ont-ils cessé de pleurer ? Le capitalisme joua probablement un rôle. Anodine dans le contexte de la ferme ou de l'atelier, l'expression des émotions devint suspecte dans les usines. Les larmes risquaient d'entraver la productivité et les hommes, longtemps seuls à y travailler, furent priés de les ravaler.

Source : Aeon, 9 septembre 2015, 15 000 signes. L'auteure : Sandra Newman est écrivain. Elle publie de la fiction et des essais dont, dernièrement, le roman dystopique The Country of Ice Cream Star (non traduit en français).

Le maître du porno extrême

Depuis 2008, la loi britannique interdit la détention de matériaux pornographiques «extrêmes». Comprendre : toute image représentant de façon «réaliste» et «explicite» un acte susceptible de mettre en danger la vie d'un individu ou de lui causer «une blessure grave à l'anus, à la poitrine ou aux parties génitales». Des centaines d'amateurs de fist-fucking, de flagellation ou d'asphyxie érotique (pour ne citer que quelques exemples) sont conduits chaque année devant les tribunaux. L'avocat Myles Jackman s'est fait une mission de lutter contre cette législation dont tous les citoyens, initiés ou non, auraient à craindre. «La pornographie est le canari dans la mine», argue-t-il. Quand les libertés sont en danger, «elle est la première à mourir».

Source : The Guardian, 9 septembre 2015, 45 000 signes. L'auteur : Edward Docx est un journaliste et écrivain britannique. Son premier roman, Le Calligraphe, a été traduit aux éditions Plon (2005).

Vendettas culturelles sur les campus

Il y a un an, une étudiante de l'Ohio a publié un post rageur sur le blog «Oberlin microaggressions». Elle reprochait à l'un de ses congénères l'emploi du mot «futbol» («football» en espagnol). «Les étudiants blancs qui s'approprient l'espagnol, c'est non. Garde la langue de mes ancêtres hors de ta bouche !» Des sociologues voient dans ce genre de «microagression» la résurgence d'une «culture de l'honneur» sur les campus américains. A Oberlin, Yale ou Harvard, les conflits culturels de ce genre ne se règlent pas par la violence physique, comme dans les gangs ou les sociétés habitées par un culte de l'honneur, mais par le recours au point de vue de tiers – corps enseignant ou étudiants, en l'occurrence. «Plutôt que d'affirmer leur force ou leur valeur intrinsèque, les personnes lésées insistent sur l'oppression et la marginalisation» dont elles s'estiment victimes.

Source : The Atlantic, 11 septembre 2015, 15 000 signes. L'auteur : Conor Friedersdorf est journaliste au mensuel The Atlantic.

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