La Garde républicaine est là, sans cheval mais en tenue d'apparat, bottes cirées et sabre au clair pour saluer l'arrivée officielle de Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité palestinienne invité par Anne Hidalgo sous les lustres de l'Hôtel de Ville. Garde républicaine? Vais-je demander? Oui, me dit-on, c'est le traitement d'une visite de chef d'Etat. Bon alors voici donc une chose faite, du moins à Paris le 21 septembre 2015: La Palestine est un Etat.
En vrai, c'est un peu plus compliqué, bien sûr. Toute la semaine les Israéliens du camp de la paix - on ne dit pas «de gauche», «parce qu'il n'y a plus de gauche israélienne» expliquent-ils - sont passés par Paris et se sont pris la tête sur la question du futur, nécessaire, mais peut-être impossible, Etat de Palestine. Nous rencontrons David Grossman, qui vient parler de son livre fulgurant, Un cheval entre dans un bar. Pour l'interviewer (voir la vidéo :https://youtu.be/TgoG2SpKu7s.) Assis à une table en face du Sénat l'écrivain incarne l'espoir-désespoir, le sourire et la tristesse. Lui qui a perdu son fils Uri en 2006 dans une guerre qu'il dénonçait depuis le début, est désespéré parce que «les deux côtés ne font plus rien pour arriver à la paix» mais il veut croire encore à un petit espace pour la création de deux états «avec une frontière et plein de points de passages… » Celui qui fut, et reste, avec Amos Oz, et A.B. Yehoshua, les trois intellectuels, les trois grandes voix d'Israël pour la paix avec les Palestiniens, contre l'occupation, s'oppose au boycott qui cherche à punir collectivement toute la société israélienne, y compris les artistes, écrivains, intellectuels israéliens.
Accueilli par la garde républicaine comme un chef d'Etat, Mahmoud Abbas était reçu, le 21 septembre, par Anne Hidalgo. Pour être décoré par la maire de Paris. Photo Dominique Faget / AFP
Son ami A.B. Yehoshua est lui aussi à Paris. Il participe à un débat à l'appel de J-Call, les juifs européens pour la paix, avec Elie Barnavi, historien et ancien ambassadeur d'Israël en France. A.B. Yehoshua fait dans la provoc — mais est-ce si invraisemblable — renonçant à l'idée de deux Etats, il prédit qu'il n'y en aura qu'un seul, un Etat bi-national: «Prenez Jérusalem, impossible de couper cette ville en deux ou trois. Et aujourd'hui 400 000 colons sont installés dans les territoires palestiniens. La gauche n'en veut pas mais il faut penser sérieusement l'hypothèse d'un était bi-national.» Elie Barnavi lui répond fermement : «Il n'y aura jamais d'état bi-national. C'est un cauchemar qu'il faut éviter. L'Etat palestinien est possible ou c'est la fin d'un état d'Israël.»
Gros débat dans la salle où Alain Finkielkraut est assis au premier rang, en désaccord avec tout ce qui est dit.
Je retrouve Elie Barnavi, qui demande à La France de reconnaître l'Etat palestinien «maintenant», chez Anne Hidalgo, avec trois autres anciens ambassadeurs d'Israël - Daniel Shek, Nissim Zvilli, Yehuda Lancry . Logiques, ces diplomates à la retraite se battent pour «sauver Israël d'elle-même : Nous sommes des patriotes.» Ils sont donc là, à l'Hôtel de Ville, quand la maire remet la médaille Grand Vermeil, la plus haute distinction de la Ville de Paris, au président de l'Autorité Palestinienne.
Et c'est en soi le scoop. Les quatre anciens ambassadeurs, avec Abbas décoré parce qu'«il est resté attaché au dialogue, et n'a eu d'autre fin que la paix… Anne Hidalgo rappelle que Paris travaille avec les maires israéliens et palestiniens.
<strong><em>Mahmoud Abbas : «Je suis un vieil homme</em> <em></em>(il a presque 81 ans,ndlr)<em>, </em><em>s'il ne se passe rien dans les prochains mois je rentre à la maison.</em>» </strong>
Mahmoud Abbas remercie, et semble moins désespéré qu'on ne le pense : «La paix est à portée de la main si la volonté est là» Mais, comme toujours dans les relations internationales c'est à l'heure des petits fours et derrière les portes qu'est la vraie information. Les quatre anciens ambassadeurs d'Israël se sont discrètement réunis avec le président palestinien. L'un d'eux, Daniel Shek, a fait un debriefing au journal Haaretz: «Abbas nous a dit qu'il a préparé un discours très dur pour l'assemblée générale des Nations Unies où il doit parler le 30 septembre, mais qu'il peut encore le changer si les choses bougent… Il m'a semblé très amer: «Je suis un vieil homme (il a presque 81 ans,ndlr), s'il ne se passe rien dans les prochains mois je rentre à la maison.»
Et ils sont tous repartis de Paris. Les Israéliens pour fêter Kippour chez eux. Le Palestinien pour demander au monde de l’aider à relancer quelque chose qui ressemble à un processus de paix et voir flotter le drapeau de la Palestine sur l’ONU à New York.
Annette