«De bons petits salauds vicieux». Le dessinateur Al Capp décrivait en ces termes la bande d'enfants imaginés par son confrère Charles Schulz au début des années 1950. Egoïstes, cruels, langues de vipère : à leurs débuts, les copains de Snoopy n'avaient rien de très attachant. Même Charlie Brown (qui deviendrait ensuite parfaitement inoffensif) pouvait regarder une petite fille se casser la figure et déclarer sans broncher : «Heureusement que c'était moi qui portais la glace». Le mauvais esprit des Peanuts, leur vision du monde désabusée en firent des icônes de la contre-culture («la première bande dessinée beatnik», affirme Garry Trudeau, un autre grand nom du genre aux Etats-Unis). Et c'est en l'honneur de Charlie Brown que fut baptisé Charlie Mensuel, l'un des précurseurs de Charlie Hebdo.
Source : The Atlantic, 11 novembre, 27 000 signes. Auteure : Sarah Boxer est une critique, illustratrice et auteure de bandes dessinées américaine. Elle a notamment publié une parodie inspirée des cas de Freud (In the Floyd Archives : A Psycho-Bestiary, Pantheon, 2001).
Au temps de Cicéron, les habitants de Rome avaient des préoccupations sensiblement proches des nôtres : la circulation (infernale), l'urbanisme (quelle limite de hauteur pour les bâtiments ? Quels matériaux utiliser contre le feu ?), la politique sociale (fallait-il distribuer gratuitement des céréales aux citoyens ? N'allait-on pas faire d'eux des assistés ?) Mais gare aux analogies trop faciles. A la même époque, des chiens errants pouvaient débarquer au milieu d'un banquet avec des restes humains dans la gueule (les cadavres traînaient dans les rues) ; on n'hésitait pas à jeter les bébés aux ordures (il paraissait moins risqué de s'en débarrasser après, plutôt qu'avant la naissance) ; et il n'était pas rare que les filles soient mariées (et le mariage consommé) avant la puberté. «Etudier la Rome antique, c'est comme marcher sur une corde raide, explique l'universitaire Mary Beard : si on regarde d'un côté, tout a l'air rassurant et familier […]. Mais de l'autre, s'offre un territoire complètement étranger».
Source : The Guardian, 2 octobre, 25 000 signes. Auteure : Mary Beard est une vedette de la vie intellectuelle britannique : professeure de lettres classiques à Cambridge, critique, blogueuse (A Don's Life, sur le site du Times Literary Supplement). Elle vient de faire paraître SPQR: A History of Ancient Rome (Profile Books).
«J'ai quatre frères […] et si vous vous laissez pousser la barbe, j'essaierai de [les] convaincre de voter pour vous. Vous seriez beaucoup mieux, car votre visage est tellement mince. Toutes les dames aiment la barbe, elles inciteraient leurs maris à voter pour vous et vous deviendriez président». Signée Grace Bedell, 11 ans, la lettre fut adressée à un certain Abraham Lincoln. Lequel se laissa bien pousser la barbe. Et remporta l'élection. D'après un livre récemment paru sur le sujet, l'histoire de la barbe (ou de son absence, suivant les époques) se mêle à celle des empires, des guerres et des nations. «A chaque fois qu'est redéfinie la masculinité, les poils du visage changent pour s'y adapter». Rien ne prouve que son collier de barbe fût pour quoi que ce soit dans la victoire de Lincoln. Néanmoins, il prit la peine, une fois élu, de se rendre à Westfield, dans l'Etat de New York : il tenait à saluer la jeune Grace Bedell.
Source : New York Times, 30 novembre, 8 000 signes. Auteur : Matthew Schneier est journaliste pour les pages «Style» du New York Times.