La gauche n’est pas favorite pour l’élection présidentielle d’avril 2017, c’est un euphémisme. Elle a perdu toutes les élections intermédiaires depuis 2014. Elle a échoué à rétablir la situation économique, à relancer la croissance et à inverser la courbe du chômage. Elle est bousculée par une montée impressionnante du populisme et de la xénophobie au sein d’une population excédée par une crise sans fin et angoissée par le flux croissant à ses frontières des migrants économiques et des réfugiés politiques. Son seul et maigre atout est que François Hollande s’est montré à la hauteur des terribles circonstances face aux attentats et à la guerre terroriste de Daech. A quatorze mois du premier tour, la gauche n’a pas de candidat populaire.
Fidèle à sa tradition autodestructrice, elle s’affaire cependant à s’entre-déchirer depuis des mois, à ajouter des handicaps à ses handicaps, des divisions à ses divisions. Elle n’a jamais été aussi mal en point depuis sa déroute historique de 1993, elle n’en cède pas moins à sa tradition de la scissiparité. Elle se montre culturellement incapable de tirer les leçons politiques de ses défaites. La gauche, épuisée et scindée en branches rivales et en diverticules, met tout en place pour perdre de nouveau. Or, la tripolarisation qui s’installe ne connaît qu’une seule règle : le plus divisé des trois camps est condamné à la défaite, il est même menacé d’écrasement. Le Front national (FN), malgré sa nullité économique, présentera évidemment Marine Le Pen, qui rassemblera les voix de l’extrême droite et d’un gros contingent populiste. A droite et au centre, l’élection primaire aura pour fonction et pour ambition de rassembler le plus large possible derrière le mieux placé pour gagner. Il y aura des grincements et des polémiques, des querelles et des rancœurs, mais tout est fait pour que les candidats vaincus se rangent stoïquement derrière le candidat sélectionné. La droite et le centre seront en ordre de marche.
La gauche, non. Il y aura deux ou trois candidats trotskistes, c'est le rite stérile, s'ils obtiennent leurs parrainages. La question centrale est cependant de savoir s'il y aura ou non un candidat du Front de gauche, une candidate d'Europe Ecologie-les Verts, voire un candidat de l'aile gauche du Parti socialiste (PS) en plus du candidat socialiste officiel, c'est-à-dire, en principe, François Hollande ou, si tout semble perdu pour lui, Manuel Valls. S'il y a ces quatre candidatures, la gauche n'a pas la moindre chance de se qualifier pour le second tour. Dans cette hypothèse-là, l'arithmétique électorale serait impitoyable. D'où l'idée, apparemment pleine de bon sens, d'organiser de ce côté-là aussi une élection primaire, afin qu'un seul candidat se dégage.
Encore faut-il, pour qu’une telle primaire soit utile, que chacun y participe et que tous se rangent derrière le candidat élu. Or, Jean-Luc Mélenchon se refuse à jouer la règle du jeu, écartant définitivement l’idée de soutenir François Hollande si celui-ci est désigné. Pierre Laurent, secrétaire national du Parti communiste (PC), exclut lui aussi la participation à une primaire qui mettrait François Hollande ou d’ailleurs Manuel Valls en lice. Dans ces conditions, si Jean-Luc Mélenchon et Pierre Laurent maintiennent leur exclusive, il n’y aurait donc pas de primaire de la gauche : on ne voit pas au nom de quoi le Parti socialiste pourrait accepter que le Front de gauche récuse à l’avance tel ou tel candidat socialiste.
Par ailleurs, il est évident, si on lit les déclarations des uns et des autres, qu’une fraction notable de ceux qui, au sein ou aux confins du PS appellent à une primaire, le font avec l’espoir de pouvoir écarter François Hollande de la compétition comme s’ils espéraient dresser le PS contre le chef de l’Etat issu de ses rangs. D’un autre côté, si celui-ci se résolvait à participer à la primaire, ce qui serait un précédent pour un président sortant, il est évident qu’il s’affaiblirait en menant campagne : les Français lui reprocheraient à la fois la confusion des rôles et le fait de ne plus exercer une présidence à plein-temps. Si un attentat ou une crise sociale éclatait, la sanction serait définitive.
A gauche, le dilemme est donc le suivant : s’il y a, à la fois, un candidat du Front de gauche et un candidat socialiste, les maigres chances s’amenuisent encore ; s’il y a, en plus, une candidate écologiste et (ou) un candidat socialiste dissident, la gauche est battue d’avance. Sans doute pour un long moment. La seule issue serait l’union, mais c’est la moins probable.