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Libération

François Hollande et Jean-Luc Mélenchon : leur vraie nature enfin révélée !

Le Président n’est pas un pragmatique apeuré, c’est un idéaliste suicidaire. Le frappeur de gauche n’est pas un archéo qui joue perso, c’est Cincinnatus. Si, si, croyez-moi !
publié le 29 février 2016 à 20h21

J’ai décidé de prendre au sérieux les actes et les propos des deux seuls candidats de gauche qu’on discerne vaguement dans le brouillard actuel. Comme je ne crois pas beaucoup à une primaire «respectueuse», il me faut faire avec ces irréconciliables. A leur égard, une fois n’est pas coutume, je vais faire assaut de bienveillance, mantra ressassé depuis que nos peuplades psychologisées affrontent des dangers inédits.

Ne riez pas ! Je vais appliquer un cataplasme d’empathie sur les plaies qui couturent ces deux personnages antagonistes d’une gauche qui se roule plus que jamais dans la panade. Je vais essayer de pénétrer la psyché abîmée de ces deux hommes qui prouvent qu’on peut changer à tout âge. Je vais écouter ces rivaux qui murmurent chacun à leur manière «justice, égalité, émancipation» aux oreilles de ces chevaux de retour sans plus de labour que nous sommes devenus. Ces deux mendiants de l’amour, je vais les regarder avec des yeux de veau.

Réévaluer l’estime de soi de François H.

On s’est beaucoup trompé sur la vraie nature du président de la République. On a longtemps cru que c’était un social-réaliste, un gouvernant sondagier, un accommodant à l’échine souple, un mitigeur d’affect pas du tout voltigeur du concept, un dépassionné qui n’aimait rien tant que de conserver sa position médiane. Erreurs fatales !

François Hollande est un idéologue suicidaire. Et c’est assez bouleversant de le réaliser si tardivement. Personne n’a jamais pensé qu’il serait un adversaire flambant de la finance friponne. On se disait qu’à défaut, il ferait un bon bougre social-démocrate. Et voilà qu’on hérite du petit-fils de Milton Friedman, du neveu de Maggie Thatcher, du cousin d’Alain Madelin. Il liquide le CDI, rallonge le temps de travail et veut que les patrons puissent licencier comme qui rigole.

Le pire, c’est qu’il semble penser sincèrement que c’est la seule voie à suivre, et que l’histoire lui donnera raison. Et, c’est ça, le plus émouvant. On l’avait toujours vu comme un manœuvrier ironique, et on le découvre convaincu. On se racontait que Valls et Macron squattaient son cerveau, que le grondeur et le charmeur formataient ses pensées et dictaient ses propos. Et on finit par se demander si Hollande, toujours ficelle, ne les agite pas en polichinelles de ses convictions réelles.

Enfin, on imaginait que le Corrézien n’avait que le dur désir de durer. Au lieu de finasser, de transiger, de reculer, voilà qu’il semble prêt à se sacrifier pour le bien commun, à tout bousculer au risque d’exploser en vol, et tout ça pour aller au bout de sa croyance libérale. S’il continue dans son œuvre dérégulatrice, il ne me restera plus qu’à aller me réfugier dans les bras dodus d’Angela Merkel afin de bénéficier des derniers dividendes du capitalisme rhénan.

Déconstruire les archaïsmes de Jean-Luc M.

En ces temps de démantèlement des acquis sociaux, il est facile de scotcher un sticker «old style» à qui se soucie du devenir des derniers travailleurs en bleu de travail. En ces temps de régressions grimées en réformes, Mélenchon se refuse, à raison, à jouer «à plus moderne que moi, tu meurs».

Mais il est beaucoup moins archaïque qu’il aime à le faire croire, jouissant d’affoler la meute médiatique, qu’il sadise pour mieux se victimiser. On le renvoie à son imitation de Robespierre et à sa détestation de Danton. On le fantasme carapaçonné de marxisme ouvriériste. On le suppose pro-Poutine par soviétisme maintenu. Erreurs banales !

Mélenchon a une pensée de l’avenir. Tout en brandissant la force du collectif, il sait imaginer la société de l’individu autonome. Et s’il tient à restaurer une politique industrielle, il veut développer une écologie extensive où la mer serait terre de conquête comme l’espace le fut aux Etats-Unis pour le Kennedy des années 60.

On le croit très gaulliste dans son bonapartisme qui zappe les corps intermédiaires. On l’imagine très présidentialiste quand on le voit remonter en solitaire sur le pavois pour 2017. On le caricature en Chávez à joli coquelicot, en Castro communard.

Essayons de lui faire crédit quand il prétend que son élection serait le prélude à une Assemblée constituante tenue de défaire la Ve plébiscitaire. S'il joue selon les règles, dit-il, c'est pour en changer. Ensuite, il sera le syndic de faillite de l'Elysée, jettera la clé et la rancune à la rivière, et rendra le pouvoir à ce peuple chéri, qu'il divinise à satiété. Comme c'est jour de bonté, je me plais à l'imaginer en Cincinnatus retournant à sa charrue, une fois son œuvre de salut public accomplie.