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Syriza est rattrapé par ses alliances
douteuses, ce qui pourrait bien lui coûter le pouvoir plus rapidement que prévu.
Son indispensable allié de droite radicale, ANEL, menace, en effet, de faire
chuter le gouvernement d’Alexis Tsipras si le ministre chargé de la politique
migratoire, Yannis Mouzalas, ne démissionne pas. Sa faute ? Avoir appelé,
mardi soir, à la télévision, « Macédoine » la République de Macédoine
que la Grèce ne reconnaît que sous le nom de « FYROM (Former Yugoslav
Republic of Macedonia) ou de République de Skopje, et ce, depuis l’éclatement
de la Yougoslavie : pour les nationalistes grecs, le nom de
« Macédoine » appartient exclusivement au patrimoine grec.
Une querelle baroque (comme si la France
faisait la guerre à la Belgique parce qu’il y existe une Lorraine belge) que la
communauté internationale a échoué à régler depuis 25 ans. Mais elle en dit
long sur le nationalisme local qui dépasse largement la droite radicale,
puisque même les conservateurs de la Nouvelle Démocratie réclament la démission
de Mouzalas. Ce sont d’ailleurs ces derniers qui sont à l’origine de ce
différent avec la petite République et, en particulier, Antonis Samaras,
le prédécesseur de Tsipras, lorsqu’il était ministre des Affaires étrangères
(90-92).
Mouzalas s’est certes aussitôt excusé :
« je demande pardon pour cette erreur, qui ne correspond pas à ma position
et à mes convictions ». Mais, et en dépit de la
médiation de Tsipras, Panos Kammenos, le ministre de la Défense et leader d’ANEL,
campe sur une ligne dure. Dans un tweet, il affirme que « le pardon de
Monsieur Mouzalas n’est pas suffisant, je demande sa démission ». « Il
est exagéré de créer un problème » après le « lapsus » du
ministre, a réagi Tsipras dans un communiqué publié mardi soir : « il
est hypocrite et irresponsable d’essayer à la veille d’un sommet européen
d’affaiblir le ministre qui lutte quotidiennement pour gérer la crise
migratoire ».
De fait, de l'avis des partenaires d'Athènes, Mouzaras
est l'un des membres le plus compétents (et le moins dogmatique) du
gouvernement Syriza-ANEL : c'est lui qui est parvenu à répondre en
quelques semaines aux exigences des Européens qui menaçaient de suspendre le
pays de Schengen s'il ne reprenait pas le contrôle de ses frontières, notamment
en mettant en place les fameux « hotspots ». Mais, ce médecin, fondateur
de Médecins du Monde en Grèce, est soupçonné par les nationalistes d'être un
peu trop sensible aux droits des réfugiés et à l'écoute de ses partenaires
européens. Il faut se rappeler que Kammenos, au plus fort de la crise entre la Grèce et la zone euro, avait menacé de laisser passer tous les djihadistes en Europe... Le leader nationaliste ne pardonne pas non plus à Mouzaras d'avoir été contraint de mobiliser
l'armée pour construire des camps de réfugiés, celle-ci étant l'un des rares
organes de l'État grec à être fonctionnel. Pour le leader nationaliste, ce
n'était pas son rôle, celle-ci devant se concentrer sur la défense d'un pays
qui s'estime menacé par la Turquie, l'ancienne puissance coloniale.
L’occasion était donc trop belle pour que le
leader nationaliste la laisse passer, d’autant que cela peut redorer le blason de
son parti en perte de vitesse, que Tsipras décide de sacrifier son ministre ou
pas. Le Premier ministre a annoncé qu’il prendrait sa décision après le sommet
européen de jeudi et de vendredi. Un choix difficile : s’il cède à son
partenaire, favorable à une sortie de l’euro, il sera un peu plus affaibli aux
yeux d’une opinion publique déjà déçue. Tomber immédiatement sur la Macédoine
ou dans quelques mois sur les retraites, voilà l’équation à laquelle est
confronté Tsipras.