Un billet pour défendre les cailleras du XVIe ? Pas besoin de ça. Une armada d'avocats s'occupe déjà de leur cause. On me dit dans l'oreillette qu'il ne s'agit pas de cailleras mais d'honnêtes citoyens. Désolé de ma bévue mais, après les avoir écoutés, j'ai eu l'impression d'entendre des sauvageons du 93 ou d'ailleurs. Apparemment remontés contre la mixité sociale. Sauf pour les noms d'oiseaux.
Cela dit, ils n’ont pas le monopole de la frilosité et du désir de l’entre soi. Au risque de déplaire à nombre de mes amis, je tiens à rappeler que ce genre de repli existe dans d’autres lieux. Comme certains quartiers et banlieues, ex-populaire, ayant basculé dans la gentrification. Chez les bobos de gauche dont je fais partie. Très moche de dire bobo, c’est le terme préféré de l’extrême droite. Pas d’autre mot que celui-ci en stock. Combien de bobos, détestant ce vocable réducteur, n’hésitent pas à pointer un doigt mi-cynique mi-méprisant et lâcher: «Quel beauf.» Le beauf parce que différent ? Autres lieux, autres us et coutumes. Mais un repli identique. Le syndrome du «pas dans mon jardin».
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Les bourgeois ne veulent pas de pauvres dans leur arrondissement. Quasiment à se transformer en écolo-warrior pour bouter les sans feu ni loi de leur beau bois de Boulogne. De l'autre côté du périf', dans l'Est parisien, des citoyens engagés battent souvent le pavé, le samedi ou le dimanche, pour défendre les migrants, les SDF, les Roms, et toutes les autres populations plongées dans une extrême précarité. Un engagement tout à leur honneur. Et la semaine, ils refusent que leur progéniture fréquente les gosses de, SDF, de migrants, de Roms, dans l'école de leur quartier. Certes pas le même niveau scolaire que les établissements scolaires de communes plus huppées ou de quartier tel le XVIe. Chacun fait ce qu'il lui plaît. Qui n'a pas ses lâchetés et contradictions ? Pas mal aussi de balayer devant son humanisme. D'aucuns adeptes de touche pas à mon loft?
Evidement révoltant ces nantis du XVIe refusant un «p'tit bout de Bois» à des SDF. A des années-lumière de la charité chrétienne enseignée à certains citoyens dans les églises de ce quartier très chic. Mais pas une raison pour ne pas voir les replis sur l'entre-soi (moins visibles) ailleurs que parmi ses affinités électives. La révolte anti-pauvres de ces bourgeois n'est que la partie émergée de l'iceberg d'une peur généralisée. Combien de très pauvres ne veulent pas de plus pauvres qu'eux à proximité de leur HLM ? Combien de bobos tracent des frontières invisibles entre leur famille et celles aux mœurs différentes, à 300 mètres de leur loft? La peur de l'autre venant perturber son paysage quotidien. Et l'appréhension de l'avenir. Des trouilles de gauche à droite. Et de bas en haut.
De plus en plus de mines «anti-autre» dans ce pays?