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Libération
TRIBUNE

«Il faut réactiver notre imaginaire politique»

L'appel pour une primaire à gauchedossier
Europe, écologie, modèle social... Le 16 avril, au Théâtre de la porte Saint-Martin, Libération organise une journée de débats et d'échanges sur les enjeux de l'élection présidentielle. Pendant une semaine nous publions les contributions des principaux participants. Aujourd'hui Daniel Cohn-Bendit.
publié le 11 avril 2016 à 18h36

Alors que les perspectives de développement économique et social devenaient toujours plus incertaines, les responsables politiques n’ont  pas su évaluer l’ampleur des changements en cours ni mesurer à quel point la mondialisation serait déstabilisatrice. Davantage préoccupés par leurs «affaires intérieures» vampirisées par les échéances électorales, les classes dirigeantes se complaisent dans les «coups politiques» sans vision à long terme. Elles se montrent incapables d’intégrer la dimension européenne dans leur «patrimoine génétique». A aucun moment, l’Union européenne n’a été perçue comme leur nouvel espace à gouverner afin d’amplifier leur propre action politique.

Il est au demeurant assez paradoxal de blâmer la faible popularité de l’Union européenne quand les représentants des Etats adoptent  le plus souvent des postures solipsistes. Ceux-ci affichent en permanence leur propre défiance tant vis-à-vis de la construction européenne que de leurs partenaires. Leur matrice comportementale continue de se laisser déterminer par un imaginaire politique d’envergure nationale. Leurs pratiques politiques quotidiennes, la règle obsolète de l’unanimité, les referenda nationaux, leurs blocages sur le budget, la fiscalité, l’armée, la politique étrangère, la politique migratoire, etc. sont autant d’anomalies et d’actes de défiance réciproque qui entravent le développement de l’Union européenne tout en semant le doute dans les esprits.

L’Etat-Nation a perdu la capacité de s’imposer seul. Notamment, face à la finance ou à  l’économie qui se sont totalement émancipées des cadres nationaux. Si par ailleurs nous considérons que les valeurs démocratiques de liberté et d’égalité ne sont pas de pures farces de l’histoire de l’humanité, notre Union doit se montrer capable d’opérer le rattrapage politique permettant de démocratiser la mondialisation. En d’autres mots, œuvrer à  la réalisation de ses ambitions démocratiques originaires qui constituent l’horizon à partir duquel doivent découler nos politiques tant économiques, que monétaires, sociales, agricoles, industrielles, environnementales, énergétiques, etc.

Envisagé sous l’angle d’une «Démocratie post-nationale de la pluralité des Démocraties européennes», le projet politique européen s’affirme dans sa nature radicalement universaliste. Il est devenu crucial de réactiver notre imaginaire politique et de renouveler aussi bien le sens que les pratiques de la démocratie. Sans cela, nous ne parviendrons pas à résorber la crise profonde de légitimité qui touche autant les institutions européennes que nationales et encore moins à restaurer la valeur du politique.  Ceci m’apparaît d’autant plus nécessaire que la démocratie européenne ne peut, par principe, être imposée envers et contre tous. L’histoire nous enseigne que l’Etat de droit et la démocratie ne peuvent être considérés comme acquis une fois pour toutes. Les régressions sont non seulement possibles mais elles sont également plus rapides que les évolutions démocratiques. Il serait par conséquent irresponsable de parier éternellement sur une loyauté intarissable des citoyens qui, à force de devoir rétrocéder leurs espoirs, pourraient finir par ne plus croire en la démocratie elle-même.

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