Le résultat des élections régionales de décembre dernier est très encourageant pour la gauche. En additionnant les voix qui se sont portées des divers gauche à l’extrême gauche, elle recueille 37,1 % des suffrages exprimés. La droite se traîne à 31,6 %, en tenant compte des voix obtenues du Modem à Debout la France (Dupont-Aignan) et de la liste régionale alsacienne. Le FN et son croupion de la Ligue du Sud sont à 28,5 %. Le résidu (régionalistes, indépendants, UPR, etc.) plafonne à 2,8 %. Ajoutons une dynamique positive : des élections européennes, puis départementales, aux régionales, la gauche a progressé (+ 3,5 %), plus rapidement même que le FN (+ 2,7 %), tandis que la droite reculait significativement.
La présidentielle se présente donc sous de bons augures… Au premier tour, le candidat de gauche serait en tête devant celui de la droite et celui du FN serait éliminé. Personne ne croit à ce scénario pour plusieurs raisons qui ne sont pas forcément bonnes. D’abord, un seul candidat de gauche ne rassemblerait pas sous son nom toutes les voix de gauche tant celle-ci est éclatée. Réponse : la gauche éclatée est celle des états-majors, mais l’électorat à la base est plus uni que jamais. Dans les 1 243 cantons où la gauche avait un candidat au second tour des départementales, le report des voix de gauche du premier tour a été presque intégral, quelle que soit la tendance du candidat de gauche resté au second tour, mélenchoniste, écologiste, hollandais, aubryste ou frondeur. C’est un exemple supplémentaire du fossé qui s’est creusé entre les électeurs et la classe politique de gauche.
Seconde raison qui fragilise les possibilités de la gauche, les cafouillages à répétition de Hollande et de son équipe. La fusion grotesque des régions qui se dirige vers un gouffre financier, le remaniement avec ses incongruités (Ayrault, Cosse), la palinodie de la déchéance et, en cours, la loi qui s’appelait El Khomri. La dynamique positive enregistrée aux régionales aurait ainsi été dilapidée. Ce n’est pas sûr : l’électorat fait la distinction entre la gauche et ses représentants actuels. Reste un troisième écueil, à vrai dire le plus dangereux : le second tour.
Si l’on se reporte à nouveau aux élections départementales, dans les 90 cantons où le FN avait été éliminé et où la gauche devançait la droite de moins de 7 points, 52 % de l’électorat du FN s’était reporté à droite et pratiquement 0 % à gauche. Si ce pourcentage se maintenait à l’élection présidentielle, la droite l’emporterait haut la main au second tour. C’est sans doute le calcul que font les dirigeants actuels des diverses factions de la gauche. Perdu pour perdu, autant se placer le mieux possible pour la présidentielle suivante. Le premier tour de 2017 se transforme alors en une primaire pour 2022. Calcul peu glorieux qui discréditera un peu plus les leaders de la gauche auprès de ses électeurs et finira par les décourager.
Une vraie primaire, au contraire, permettra à l’électorat de gauche d’exprimer ensuite au premier tour son unité qui est réelle et de se mesurer à la droite. En se présentant à une primaire, comme il l’avait promis en 2012, Hollande ne sauverait pas sa peau, mais il pourrait sauver l’électorat de la gauche. Après tant de dégâts, ce serait un moyen de sortir par le haut… en étant sorti à la primaire ou au second tour.