L’animal est un homme comme les autres
On sait que les corbeaux calédoniens sont capables de tailler des branches avec leur bec et de s’en servir pour attraper des larves. On sait aussi que les macaques du Japon transmettent de génération en génération l’art de saler leurs patates douces en les trempant dans l’eau de mer. Quant aux geais buissonniers, ils cachent de la nourriture pour revenir la manger plus tard. Fabriquer des outils, transmettre des pratiques culturelles, se projeter dans le temps : les scientifiques ont longtemps cru que ces facultés cognitives étaient l’apanage de l’homme. Les recherches des trente dernières années ont prouvé le contraire. Les psychologues évolutionnistes ont substitué à l’idée d’une hiérarchie des espèces celle d’une «toile du vivant». La question n’est pas de savoir qui, de l’homme ou du macaque (ou du corbeau, ou du geai), est le plus intelligent, mais quelle forme d’intelligence a développé chacun et pourquoi.
Source : The Atlantic, 18 avril, 13 000 signes. Auteur : Alison Gopnik est une psychologue cognitiviste américaine, professeure à Berkeley. Elle est notamment l'auteure du Bébé philosophe (Le Pommier, 2010).
Pour qui sonne l’alarme
Ils étaient jeunes, souvent célibataires, membres pour la plupart du Parti communiste américain. Il y avait parmi eux des ouvriers, des dockers, des mineurs, un acrobate, un employé du New Yorker. Près de trois mille Américains partirent combattre en Espagne dans la brigade Lincoln, côté républicain. Pour tout paquetage, ils recevaient une valise en carton, des rasoirs, une ration de café, des cigarettes et un peu de savon. Lors des premières batailles, certains portaient encore leurs vêtements de ville. Leurs armes venues d'Union soviétique étaient des antiquités (il y avait des pistolets datant des années 1860) ; leurs missions, vaines le plus souvent ; et leur probabilité de mourir près de trois fois supérieure à celle du reste de l'armée républicaine (hors brigades internationales). Plus d'un quart ont été tués. Mais ils étaient convaincus de la nécessité de lutter contre le fascisme. L'un d'eux imaginait, dans une lettre, un monde où Hitler et Mussolini auraient conquis l'Amérique, alors que lui serait resté passif : «Il ne me resterait plus alors qu'à me maudire et à me dire "Pourquoi ne me suis-je pas réveillé quand l'alarme a sonné ?"»
Source : New Yorker, 18 avril, 27 000 signes. Auteur : Caleb Crain est un auteur américain d'essais et de fictions. Il est notamment l'auteur d'American Sympathy : Men, Friendship, and Literature in the New Nation (Yale University Press, 2001).
Retrouvez le magazine Books en kiosques chaque mois, sur son site et ses applications.