Comment le FBI a blanchi le bitcoin
Lorsque le site Silk Road (surnommé le «supermarché de la drogue»), a été fermé en 2013, le bitcoin avait très mauvaise réputation. Cette monnaie numérique qui permet des transactions totalement anonymes était vue comme l'apanage des criminels et d'une poignée de geeks asociaux. L'affaire Silk Road allait pourtant contribuer à la légitimer. Premièrement, elle venait prouver l'efficacité du bitcoin : si des malfaiteurs l'avaient utilisé pour acheter des armes et de la cocaïne, c'était bien que la monnaie «fonctionnait» - que l'on pouvait acquérir par son intermédiaire des produits bien réels, abstraction faite de la nature de ces produits. Deuxièmement, l'arrestation du fondateur du site (Ross Ulbricht) a levé les derniers doutes concernant la légalité du bitcoin : une fois le jeune homme neutralisé, le Bureau s'est retrouvé en possession de toute sa fortune, soit 144 000 bitcoins. Valeur en dollars : un peu plus de 63 millions. Les autorités auraient pu décider de les retirer de la circulation. Mais en vendant les bitcoins aux enchères, comme n'importe quel bien légal saisi dans le cadre d'une affaire criminelle, elles ont envoyé un message très clair : cette monnaie n'est pas hors-la-loi. (Sur Silk Road et le bitcoin, on peut lire l'article publié par Books au mois de janvier à propos des «enfers du Net»).
Source : London Review of Books, 21 avril, 62 000 signes. Auteur : Le journaliste britannique John Lanchester a été tour à tour reporter sportif, rédacteur de notices nécrologiques, correcteur, critique gastronomique et rédacteur en chef de la London Review of Books. Il collabore à la revue littéraire Granta, à la New York Review of Books, au New Yorker et mène en parallèle une carrière de romancier (dernièrement paru en français : Le prix du plaisir, Sonatine, 2015).
Ce que cache la «Tudormania»
Les Anglais sont fous des Tudor. Pas seulement pour le glamour. Outre les bestsellers d'Hilary Mantel, on ne compte plus les livres, documentaires et séries consacrés à cette famille qui régna sur l'Angleterre entre la fin du XVe et le début du XVIIe. La vie amoureuse d'Henri VIII est un sujet particulièrement prisé (on trouve une flopée d'ouvrages intitulés Les six femmes d'Henri VIII, Six femmes : les reines d'Henri VIII, Henri VIII et ses six femmes, pour n'en citer que quelques-uns). Mais il y aurait derrière cet engouement un phénomène plus profond. Les Anglais marqueraient ainsi leur attachement à une dynastie incarnant une forme d'exceptionnalisme : «L'idée d'une Angleterre qui se tient à part et au-dessus des autres nations». En rompant avec Rome, Henri VIII a tourné le dos à une Europe catholique et corrompue. Il présentait son peuple comme le véritable «Elu de Dieu», ouvrant la voie à un âge d'or. En ce sens, il peut être vu comme «l'ancêtre des partisans du Brexit», pour qui leur pays se porterait mieux en dehors de l'Union européenne. Plusieurs historiens sont vent debout contre cette lecture idéalisée de l'ère Tudor. Jerry Brotton souligne qu'après le schisme d'Henri VIII, «l'Angleterre était complètement isolée, un Etat paria», privé de liens commerciaux et diplomatiques avec ses voisins. Pour preuve de cette marginalisation, un autre historien cite un linguiste du XVIe siècle qui affirmait, à propos de l'anglais : «Cette langue vous fera grand bien en Angleterre, mais passé Douvres, elle ne vaut rien».
Source : The Guardian, le 4 mai, 29 000 signes. Auteure : Charlotte Higgins est responsable des pages Culture du Guardian. Elle est également l'auteure d'une histoire de la BBC (This New Noise, Guardian Faber Publishing, 2015).
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