Le premier effet de la robotisation inexorable de notre appareil de production sera une phase de destruction massive qui menacerait 3 millions d’emplois en France à l’horizon 2030, avant que la nouvelle économie numérique ne crée des emplois nouveaux. Comment la France se préparera-t-elle à ces changements radicaux qui menaceront nos équilibres sociaux ? Le modèle social français peut-il résister face à une telle évolution ? A ces questions, nous devons apporter des réponses non seulement pour que notre pays soit aux avant-postes de cette nouvelle économie de l’innovation mais aussi pour qu’on adapte notre modèle social si on veut préserver cette exigence française d’égalité et de justice pour tous.
Un rapport présenté au forum de Davos intitulé «The Future of Jobs» pointent ces évolutions (1). Nous ne pouvons pas, que nous soyons citoyens ou responsables politiques, nous passer de penser les évolutions en cours comme la réorganisation planétaire des facteurs de production et leurs effets sur l'organisation du travail. Le risque serait celui d'un décalage dangereux entre le politique et l'économique où les forces du second prendraient le pas sur celles du premier.
Dans une société où le travail sera discontinu, marqué par des ruptures multiples, où les travailleurs seront dans la configuration des intermittents du spectacle et des auto-entrepreneurs, où le télétravail sera plus développé qu'il ne l'est déjà, il est important d'anticiper la nouvelle société du travail qui vient. Nous voulons passer d'une (re)distribution qui répare à une distribution qui prépare les individus. Nous proposons un revenu d'existence républicain qui replace l'égalité au cœur des attentions.
Notre proposition vise l'«égalité des dotations initiales» et se décline comme suit. Un revenu égal doit être donné à l'ensemble des individus, de la naissance à la mort. Dans un premier temps, de 0 à 18 ans, s'ouvre un compte individuel public qui épargne cette somme accumulée (dotation initiale) mois après mois. Pendant sa scolarité secondaire, le jeune sera invité à élaborer son projet de vie en lien avec son équipe éducative. Nous proposons donc un filet de sécurité dès les premiers moments de toute existence. Il devra pour avoir cette impulsion de montrer à la société son implication en tant que citoyen en faisant obligatoirement un service civique où il pourra affiner ses connaissances au contact de professionnels. Un parrainage d'expérience complétera la transmission de savoirs entre générations et l'entrée dans la vie active.
A partir de 18 ans, et de façon inconditionnelle, chaque citoyen toucherait un revenu d'existence jusqu'à sa mort. Cette somme mensualisée et indépendante de l'emploi salarié devra se substituer au millefeuille d'aides existantes aujourd'hui et offrir plus de liberté de choix à chacun. Il sera, selon notre proposition, appuyé par un revenu complémentaire qui prendrait en compte les disparités territoriales notamment liées au coût de la vie.
Le financement doit s'opérer autour d'un transfert des aides sociales existantes (RSA notamment), d'une disparition des administrations de contrôle social correspondantes (qui n'auront plus lieu d'exister puisque le revenu d'existence sera attribué universellement). D'autres pistes de financement sont possibles comme, par exemple, une taxation plus optimale des transactions financières.
Nous inscrivons le revenu d’existence dans un vaste projet de cohésion nationale embrassant toutes les forces vives de la nation, redonnant de l’espoir aux plus jeunes (en les sortant de l’ornière des conditions de leurs aïeux), et plaçant, qui plus est, l’égalité comme horizon moral partagé pour tous. Il permettra, par ailleurs, de réinjecter du temps créatif au service de la société, de l’économie, de la culture et de nôtre bien-être collectif. Cet effet secondaire du revenu universel n’est, à notre sens, guère à sous-estimer car dans nos sociétés, nous avons tous (et trop…) la «tête dans le guidon», ce qui nuit à notre créativité collective dans tous les domaines.
Nous voulons un grand débat national sur ce projet de société. Pour notre part, nous nous y emploierons pour refonder la gauche qui protège et qui garantit les conditions de l’émancipation. Et changer la société française en profondeur. Après la publication du rapport du député Christophe Sirugue, proposant une refonte générale des minima sociaux, nous voulons placer le débat sur le revenu d’existence au cœur de la campagne présidentielle de 2017.
(1) http://www.weforum.org/reports/the-future-of-jobs