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Libération
TRIBUNE

Présidentielle 2017 : désintoxiquons la classe politique

Imaginer un candidat non professionnel de la politique serait non seulement salutaire mais indispensable afin de contrecarrer les dérives présidentialistes. C’est le but de l’initiative citoyenne Laprimaire.org.
par Xavier Anglaret, Médecin, candidat à la primaire citoyenne Laprimaire.org
publié le 18 mai 2016 à 17h11

L’idée qu’un non-professionnel de la politique puisse briguer la présidence de la République fait hausser les épaules. Elle est pourtant non seulement réaliste, mais aussi salutaire, et pour tout dire indispensable. Voici pourquoi.

Selon la Constitution française, le peuple souverain élit un Parlement, le Parlement vote la loi et investit ou censure le gouvernement, le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation, et le Premier ministre dirige le gouvernement.

A tous les niveaux, celui de l’émergence des idées, leur maturation, leur concrétisation et le contrôle de leur application, ce sont des groupes de personnes et des institutions représentatives qui interagissent. Il n’est nulle part question ici du pouvoir d’un homme ou d’une femme seul.

Et le Président ? Le Président a un rôle à part : celui d’arbitre et de garant du bon fonctionnement des institutions et de la continuité de l’Etat.

Malheureusement, depuis plus de quarante ans, la pratique a consacré une lecture dévoyée - dite «présidentialiste» - de la Constitution. Le chef de l’Etat est toujours chef de parti et, sauf accident de cohabitation, chef occulte de la majorité parlementaire. Inamovible, disposant du pouvoir de nommer le Premier ministre et de l’arme de dissuasion que représente la menace de dissolution, il commet en toute impunité deux abus : s’approprier les fonctions que la Constitution donne au Premier ministre, alors relégué au rang de simple fusible ; et stériliser, de ce fait, le pouvoir de contrôle de l’Assemblée, qui ne peut pas censurer un président. De plus, étant juge et partie, il n’est plus indépendant dans son rôle d’arbitre (1).

Les citoyens se sont habitués à cette dérive présidentialiste, en faisant confiance aux individus pour ne pas en abuser. Elle est désormais insupportable pour deux raisons. D’abord, précisément parce qu’on en abuse. Il n’est plus du tout raisonnable qu’une seule personne se présente devant les électeurs avec un programme de gouvernement, surtout si c’est pour ensuite prétexter l’onction du suffrage universel pour conduire une autre politique au gré de ses humeurs. Le fait du prince est un déni de démocratie d’autant plus grave qu’aucun pouvoir citoyen ne vient le contredire entre deux scrutins. Tous les cinq ans, les électrices et les électeurs sont ainsi pris en otages pour être congédiés aussitôt l’élection terminée. Avant, ils votaient «pour le moins pire». Désormais, lassés d’être pris pour des imbéciles, ils sont de plus en plus nombreux à être tentés par le pire. Le vote extrême est un appel au secours, un «tout sauf ça !» dont ils attendent un électrochoc. C’est une spirale suicidaire. Ensuite, parce que nous avons atteint un point où les fractures de la société française et l’incertitude sur l’avenir menacent notre pays de désagrégation. Dans un tel contexte, la fonction de garant de la cohésion de la Nation redevient essentielle.

Des candidats à la présidentielle 2017 nous expliquent déjà leurs recettes personnelles pour redresser l'économie, résorber le chômage, préserver l'environnement ou garantir la sécurité et la santé pour tous. Ils se trompent de campagne ! Qu'ils retournent débattre dans leur parti ou sur les places de France pour faire émerger collectivement des programmes de gouvernement !

Dans une campagne présidentielle, il faut défendre un programme présidentiel. Les candidats doivent expliquer comment ils comptent devenir le représentant des citoyens à l'Elysée, réinvestir le rôle d'arbitre défini par la Constitution, garantir la transparence et le respect des valeurs de la Nation, et donner aux citoyens un pouvoir continu entre deux élections. N'étant candidat ni à gouverner ni à animer une majorité parlementaire ou un parti, un non-professionnel de la politique, épaulé par des structures citoyennes adéquates, peut rétablir l'équilibre entre l'inévitable technicité politique et le contrôle citoyen. Etre indépendant des partis est ici non seulement un atout, mais aussi, dans les circonstances actuelles, un impératif.

Remettons le peuple au centre de la République ! Désintoxiquons les politiques de la course à la présidence ! Les partis politiques, moins parasités par l’obsession de la conquête du pouvoir personnel, pourront se remettre au travail pour élaborer des propositions innovantes. Ils y mettront d’autant plus de cœur qu’ils le feront au service de la France, et pas au service d’une carrière individuelle. Il en résultera des majorités parlementaires plus crédibles, dont sortiront des gouvernements plus efficaces.

(1) En cas de cohabitation, les pouvoirs du Parlement et du Premier ministre sont rétablis, mais la fonction d'arbitrage reste inopérante puisque le Président devient le chef de l'opposition. Préparant la reconquête du pouvoir, il est alors le Français le plus mal placé pour pouvoir apparaître au-dessus des partis.