Menu
Libération

Ne pas reculer pour mieux sauter ?

Le gouvernement est en plein patinage plus ou moins artistique dans la choucroute : comment effectuer un double salto comme si de rien n’était ?
publié le 27 mai 2016 à 18h41

Si j’ai bien compris, le gouvernement est dos au mur et la question de reculer ne se pose donc même pas : il est coincé, ce serait trop compliqué. Faire volte-face ne serait pas une échappatoire plus attrayante. Une solution consisterait bien à creuser un tunnel mais le temps manque. Alors il ne reste que l’escalade. Le sous-capitaine du pédalo qu’est le Premier ministre est droit dans ses tongs. Avec un gouvernement de gauche, on pouvait espérer avoir un gouvernement de résistance, mais on ne l’entendait pas de cet œil-là. Depuis des années, il n’a pas résisté au patronat, il n’a pas résisté à Angela Merkel, ça suffit. Il ne reste plus qu’un an à tenir, il peut bien résister à la CGT. Tenir coûte que coûte, c’est la seule manière qu’il a trouvée de prendre racine. Au demeurant, tenir, juste tenir, ne pas reculer, c’est un peu reculer quand même si on pense aux grandes ambitions de bond en avant que représentaient les réformes. Pour masquer toutes les reculades passées, rester au moins une fois sur place est un minimum. «Ils veulent qu’on se fasse reculer jusqu’à l’os ? On va les surprendre par notre ténacité.» Vu la situation, l’obstination du gouvernement à vouloir absolument faire quelque chose plutôt que de rester inerte et silencieux dans son coin est d’ailleurs digne d’éloges. Il faut quand même être perché, ou planer grave, pour estimer être au-dessus de la tempête.

L’idéal serait maintenant que le Président sorte un mammouth de son chapeau (question lapins, on a déjà été suffisamment servi). Ce n’est pas possible qu’il n’ait pas mis quelque chose de côté, la surprise du chef, en attendant la motion de censure. La CGT, c’est la cerise sur le gâteau et elle est plutôt amère - la CGT à laquelle il ne restera d’ailleurs que les baïonnettes quand la droite sera élue et que le code du travail nouveau, le vrai, sera arrivé et qu’on comprendra ce que ça veut dire, le démontage des acquis sociaux. Le reproche qu’on peut faire au syndicat aujourd’hui, c’est de se spécialiser dans l’attaque d’ambulances. Ce gouvernement outragé, brisé, martyrisé, la CGT n’a plus qu’un mot à lui dire : «Sors d’ici, avec ton cortège de fiascos.»

L’enthousiasme des candidats pour reprendre le flambeau a quelque chose de rassurant quant au courage de la nature humaine. Il y a encore des gens prêts à confronter leurs convictions aux faits, à tester leur nouvel élixir de réussite, bravo. On reproche à certains leur ambition personnelle mais c’est pire que ça : ils ont une ambition pour la France. L’ambition personnelle, ça fait longtemps que ça ne leur suffit plus. Peut-être que Manuel Valls agit ainsi par pure méchanceté, pour laisser une boule puante à son successeur. «Ah, vous le voulez, le pouvoir ? Eh bien, voilà, démerdez-vous. Rira bien qui rira le dernier.» Et si vraiment François Hollande se représente, s’il manifeste l’envie d’en reprendre pour cinq ans après le démarrage en fanfare qu’on a connu, il faudrait aussi saluer son abnégation.

Quel beau message pour la France ce serait de montrer qu'il ne faut jamais désespérer et qu'il est toujours là, sous la pluie, dans la neige, dans le cambouis, sans reculer d'un pouce. No reculan. Si j'ai bien compris, le gouvernement ferait mieux de reculer une fois pour toutes de quelques dizaines de kilomètres, puis de sécuriser sa position.