«Achille Mbembe semble se contredire. J'ai assisté comme lui, le 17 mars, à la conférence inaugurale d'Alain Mabanckou au Collège de France qui a rendu hommage à toute la littérature anticolonialiste du XXe siècle - de Michel Leiris à Aimé Césaire et Frantz Fanon. Il a montré combien elle avait nourri son imaginaire. J'ai eu l'occasion de souligner qu'il y avait aujourd'hui en France un désir refoulé de fascisme. Je partage avec lui l'idée qu'il y a maintenant une véritable hystérisation de l'identité qui consiste à assigner chacun à résidence dans des racines et je considère que le terme de subjectivité est préférable. Mais Achille Mbembe ne parle que du colonialisme français et pas du tout de l'anticolonialisme. Dois-je rappeler que le mouvement anticolonialiste a été très important en France depuis les surréalistes jusqu'à Sartre, Vidal-Naquet et le Manifeste des 121 en passant par le réseau du Musée de l'homme et l'œuvre de Claude Lévi-Strauss ? C'est aussi en France qu'on a produit une contestation des horreurs du colonialisme dont se sont inspirées les études postcoloniales. C'est dans cette filiation que je me situe. Bien entendu je pense qu'il faut critiquer les adeptes de l'universalisme abstrait qui ont tendance à nier l'importance des différences culturelles. Mais je n'adhère pas à l'idée d'un différentialisme exacerbé. Il est impossible de penser l'universel sans la différence et le débat identitaire actuel nous ramène beaucoup trop à un manichéisme. Pour moi, le choix est fait : ni rejet de l'universel, ni culte de la différence pour elle-même. Je ne crois pas que l'on doive passer son temps dans la repentance et le culte des mémoires.
«Je ne partage pas la critique de Mbembe sur la laïcité et je suis favorable à l’interdiction du foulard à l’école et du niqab dans l’espace public. Dans un cas, il s’agit de jeunes filles mineures, dans l’autre d’une atteinte à l’idée que le visage soit l’expression d’une subjectivité. Cette loi permet de combattre l’asservissement des femmes même volontaire. Mais je pense qu’il ne faut ni interdire le foulard à l’université, ni persécuter les musulmanes qui le portent.»