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Passage en revues

Quand l’Amérique stérilisait les pauvres, ces riches qui piquent des bonbons : deux longs formats à lire ce week-end

Etre riche rend-il mauvais ? (Photo MOHD RASFAN. AFP)
par Delphine Veaudor, De la rédaction de «Books»
publié le 11 juin 2016 à 10h26

Chaque semaine, la rédaction du magazine « Books », décortique les longs formats des revues et sites anglo-saxons. Morceaux choisis.

De l’eugénisme en Amérique

Les proches de Carrie Buck disaient d'elle qu'elle aimait lire la presse, faire des mots croisés et qu'elle avait toute sa vie tiré le diable par la queue (elle est morte en 1983 dans un hospice de l'assistance publique). Aucun n'a jamais constaté chez elle la moindre déficience mentale. C'est pourtant le nom de Carrie qui figure sur l'arrêt Buck v. Bell de 1927. Par cette décision, la Cour suprême des Etats-Unis autorisait la stérilisation des « faibles d'esprits ». Mère à l'âge de 17 ans, sans le sou, Buck était une cible idéale pour les tenants de l'eugénisme. Or ceux-ci étaient nombreux aux Etats-Unis : d'influents médecins, juristes et biologistes qui voyaient dans les filles supposément faciles comme Carrie Buck des « utérus sur pattes », des bombes biologiques prêtes à répandre leurs mauvais gènes à travers le pays. La jeune fille fut stérilisée, comme 60 000 à 70 000 de ses compatriotes victimes des politiques eugénistes (une trentaine d'Etats américains ont adopté des lois autorisant la stérilisation pour de tels motifs au cours du XXe siècle). Dans son arrêt, la cour assénait que « trois générations d'imbéciles, cela suffit ». Ses conclusions furent citées par la défense des nazis lors du procès de Nuremberg. (Sur l'eugénisme passé et présent, on peut lire le dossier de Books : «Le nouvel eugénisme».

Auteur : Andrea DenHoed est journaliste. Elle contribue régulièrement aux pages New Yorker.

Etre riche rend-il mauvais ?

Plus un individu est riche et détient de pouvoir, plus il est susceptible de se comporter de façon égoïste et amorale. Telle est la certitude du chercheur en psychologie Dacher Keltner. A Berkeley, où il enseigne, Keltner a observé des sujets disposant de différents niveaux de revenus. Il en a classé d'autres en fonction de la perception qu'ils avaient  ou avaient eu de leur statut social (se considéraient-ils socialement puissants ? Par rapport à qui et dans quelles circonstances ?). Résultat : les plus privilégiés trichent davantage que les autres (des jeux étaient organisés, avec, à la clé, de petites sommes d'argent) ; il sont moins généreux (dans l'une des expériences, ils se servaient plus volontiers de bonbons destinés aux enfants) et moins empathiques (ils présentaient moins de signes physiologiques d'empathie quand on leur montrait une vidéo de jeunes malades du cancer). Dacher Keltner a résumé l'ensemble de ses recherches dans un livre intitulé « Le paradoxe du pouvoir » (The Power Paradox, Penguin, non traduit en français). Mais lorsque des chercheurs ont essayé de reproduire ses résultats à partir de données issues d'une vaste étude menée en Allemagne, ils sont parvenus à des conclusions diamétralement opposées. D'après eux, les personnes aisées sont au contraire proportionnellement plus généreuses et plus soucieuses d'autrui que la moyenne. Différence culturelle ?

Auteur : Matthew Sweet est un journaliste et écrivain anglais. Il produit une émission de philosophie sur BBC Radio 4.

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