Récemment je me suis rendu à Toulouse où l’hôtel de ville, le Capitole, est un bâtiment d’une grande beauté sur une place elle-même très belle. De grandes banderoles barraient sa façade et exhortaient le public à communier dans la nouvelle religion obligatoire, celle du foot, et donc de l’Euro. Dans la ville, de gros blocs de plastique appelaient à la même vénération. Le foot est omniprésent, obligatoire, c’est la fête qui pioche dans les poches de tous pour distribuer les profits à quelques-uns.
Evidemment, Toulouse n’est qu’une illustration particulièrement parlante de la folie du foot. La beauté cède la place à la pub vulgaire et le sport compétitif est notre religion totalitaire vendue par les médias et les pouvoirs en place. Le foot, comme les JO ou les grands raouts sportifs, est une pompe à fric : joueurs surpayés (qui certes n’atteignent pas les sommets des gratifications des rois de la finance), stades qui coûtent la prunelle de nos yeux, souvent dans des partenariats public-privé (PPP) qui ruinent les communes mais enrichissent le privé (Bordeaux, Le Mans), pollution générée par les arrivées massives de supporteurs, violence, nationalisme et vandalisme qui sont mal contenus par des forces policières qui elles-mêmes pèsent fort lourd dans les budgets publics.
L’Euro de foot ne déroge pas à la règle du sport de compétition. Il crée son lot de pollution supplémentaire, des encombrements titanesques dans des villes comme Paris déjà surpolluées et encombrées en temps ordinaire. Il sert de drogue douce pour endormir tous ceux qui veulent penser ou manifester. L’Euro par ci, l’Euro par là et les ondes sont pleines de l’excitation artificielle alimentée par des associations notoirement corrompues comme la Fifa. Toutes les grandes organisations sportives sont corrompues et vivent de l’argent des gens ordinaires, le CIO, par exemple.
Tout, dans le monde du foot professionnel, est désolant : exploitation du tiers-monde pour les équipements vendus ici, sommes dépensées en pub qui évidemment ne bénéficient qu’à une toute petite minorité, exaltation des passions tristes du chauvinisme et du nationalisme, machine à décerveler qui réduit les auditeurs ou spectateurs, mêmes involontaires, au plus petit commun dénominateur. La collectivité paie pour l’enrichissement de petits capricieux, les joueurs professionnels, dont on suit toutes les déclarations plus ou moins débiles, mais aussi celui de leurs clubs, des médias qui attendent la manne de la pub. Les pubards entubent les jobards.
Le foot nous fait les poches avec notre assentiment et soudain la compétition est présentée comme la fête, la fête obligatoire qui abolit le clivage droite-gauche, la fête qui fait oublier les inégalités criantes, la fête qui n’a plus rien à voir avec la protection de l’environnement dont on nous dit pourtant qu’il est au centre des préoccupations des édiles. La fête faussement laïque qui est la nouvelle croyance d’Etat.
Le foot est populaire, nous dit-on, comme la boxe ou la corrida, dont la violence destructrice n’est plus à prouver. Peut-être, bien que l’on ait jamais voté en connaissance de cause sur l’organisation de grandes compétitions dispendieuses. Il n’est pas sûr que sa popularité soit très grande chez les femmes ou dans certains milieux. Cependant, même populaire, il reste totalitaire au sens où la folle fête du foot est incontournable pour nos têtes et nos portefeuilles.
Il ne suffit pas de ne pas regarder les matchs, de se moquer de qui gagne, d’ignorer les bisbilles ou bêtises des Bleus, des rouges, des oranges ou des blancs. L’information est polluée par le foot, l’argent coule à flots là où il n’est pas indispensable au détriment des lieux qui en ont besoin de façon cruciale. Tout l’argent gâché des stades en PPP, tout l’argent gâché en présence policière, tout l’argent gâché en consommation accrue d’essence, tout cela affecte tout le monde.
La folie du foot, comme celle des autres sports de compétition, participe aussi à la mise en condition idéologique prédisposant à l’acceptation de l’inégalité. Qu’un joueur vedette, bête et capricieux en diable, joue à Paris et gagne des sommes folles n’est pas jugé scandaleux dans une ville où les SDF sont légion. Le sport est une fête, on oublie tout. Où est la taxe sur les cachets des sportifs, sur les revenus accrus de la pub, la taxe qui pourrait redistribuer un peu la manne du sport ? Les supporteurs violents et racistes des clubs de foot mettent en évidence que le sport est une forme de guerre. Les partisans du foot qui vénèrent les stars se font les chantres de l’inégalité que par ailleurs ils désapprouvent. La folie partisane qui nous coûte les yeux de la tête est aussi un délire chauvin et réactionnaire.
Le seul bleu que j’ai envie de voir est celui du ciel (assez rare depuis le début du printemps) et si «nos» footballeurs perdent, je n’en ai rien à foot. Je réclame la séparation du foot et de l’Etat et une vraie laïcité étendue au sport de compétition.