Venir à bout du sida, en finir avec cette épidémie qui a fait 35 millions de morts, ce n’est plus une utopie. C’est au contraire un objectif à portée de main, atteignable en moins de quinze ans, d’après les prévisions de l’ONU. Sans même avoir besoin d’attendre un potentiel vaccin. La science a fait de tels progrès que les traitements actuels sont capables de bloquer la transmission du virus et de stopper les nouvelles infections tout en gardant les personnes infectées en bonne santé.
Ce qu'il faut désormais, c'est de la volonté politique. Une volonté infaillible qui s'affirme dans la durée. Les Etats seront-il capables d'en faire preuve ? C'est en tout cas ce que j'attends de mon pays, la France. Les Français de ma génération ont découvert la sexualité avec le sida, et la crainte d'être mortellement contaminés, marqués à jamais par les spots de prévention, «le sida ne passera pas par moi». Dans quelques jours, les représentants des Etats du monde entier se retrouvent au siège des Nations unies pour définir la nouvelle stratégie mondiale permettant d'atteindre la fin du sida. Un rendez-vous historique. La France saura-t-elle s'y montrer à la hauteur ?
Une chute de la mortalité
De 2000 à 2015, les investissements dans la lutte mondiale contre le sida sont passés de quelques millions d’euros à plusieurs milliards d’euros par an. Les efforts ont été considérables, et ont porté leurs fruits. Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme – une idée française, lancée par Jacques Chirac en 1997 – a sauvé 17 millions de vies en une décennie, et finance aujourd’hui la moitié des traitements antirétroviraux disponibles dans le monde. Chute spectaculaire de la mortalité, baisse significative des nouvelles infections et énorme amélioration de l’accessibilité aux traitements dans les pays en développement : ces investissements ont non seulement permis de faire fléchir l’épidémie, mais aussi de renforcer les systèmes de santé en général, et de contribuer au développement mondial.
Depuis trente ans, la France est la locomotive de la lutte mondiale contre le sida. De la découverte du virus à l’Institut Pasteur jusqu’à la création d’Unitaid, à l’initiative du président Jacques Chirac pour faire baisser le prix des médicaments, et du Fonds mondial, qui mutualise les contributions financières des pays développés pour lutter contre le sida et les pandémies dans les pays en développement où se concentrent la majorité des malades, la France a su montrer l’exemple et innover contre le sida. Mais depuis 2012, malgré le soutien des Français à la solidarité internationale et la lutte contre le sida, le gouvernement socialiste ne fait plus que renouveler péniblement les engagements pris par l’opposition lorsqu’elle était aux affaires.
Pour en finir avec le sida
Alors aujourd’hui, continuons les efforts, accélérons la riposte pour en finir définitivement avec le sida. D’autant que les coûts inhérents à la prévention et aux soins ont été fortement réduits. En versions génériques, un autotest VIH ne coûte que 3 euros, un traitement préventif que 5 euros par mois et une trithérapie chronique moins de 10 euros. L’ONU a fait les calculs : pour éradiquer l’épidémie, il manque 7 milliards de dollars par an. Cela peut sembler beaucoup mais à l’échelle de la planète, c’est moins de 0,01% du PIB mondial. La solidarité internationale, si elle se montre suffisamment forte et volontaire, peut changer la donne. La France ne pourrait-elle pas en prendre l’initiative ? C’est cela construire une mondialisation durable. C’est le projet que je veux défendre pour la France.
Sans financements supplémentaires, c’est le sida qui regagnera du terrain. Le dernier rapport de l’ONU l’affirme clairement : si les investissements stagnent, le nombre de décès et de nouvelles infections repartira à la hausse. Comment ne pas se souvenir des années 2000, lorsque la mortalité due au sida avait atteint son pic, décimant une génération de jeunes actifs et faisant chuter la croissance économique de pays entiers ? Un retour en arrière serait un terrible gâchis humain et financier. Le coût de la riposte deviendrait encore plus élevé, et pourrait dépasser, d’après la Banque mondiale, plus d’un trillion de dollars. Le sida a pour effet dévastateur de frapper les forces vives des nations. Les progrès réalisés sont fragiles, et le sida reste aujourd’hui la première cause de mortalité des adultes de 30 à 49 ans, et des femmes de 15 à 44 ans dans le monde.
Nous ne pouvons pas fermer les yeux en attendant passivement que les acquis réalisés en trente ans de lutte soient détruits. La France devra montrer l’exemple, porter sa vision d’un monde sans sida, et surtout y mettre les moyens, à l’instar de Justin Trudeau qui vient d’annoncer une hausse de 20% d’investissements supplémentaires de la part Canada au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme jusqu’en 2019. Laisser la pandémie du sida exploser alors que nous pouvons en débarrasser la planète serait irresponsable - l’inverse du développement durable. Contre le sida, nous n’avons pas le choix.