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Libération
Passage en revues

Des livres pour se soigner et le mal-logement, ce fléau américain : deux longs formats à lire ce week-end

Une famille expulsée de son logement, en 2011, dans le Colorado. (Photo John Moore. AFP)
par Delphine Veaudor, De la rédaction de «Books»
publié le 25 juin 2016 à 9h11

Chaque semaine, la rédaction du magazine «Books», décortique les longs formats des revues et sites anglo-saxons. Morceaux choisis.

Le marché de la bibliothérapie 

Les vertus curatives des livres sont depuis longtemps connues : les Grecs de Thèbes avaient gravé au frontispice d'une bibliothèque les mots «Remède de l'âme». En 1916, le mensuel américain The Atlantic employait pour la première fois le terme de «bibliothérapie». Le spécialiste interviewé (un certain Bagster, qui avait ouvert un «institut bibliopathique» dans le sous-sol d'une église) l'assurait : «Un livre peut avoir un pouvoir stimulant ou sédatif, irritant ou soporifique, l'important étant qu'il vous fasse quelque chose et que vous sachiez quoi.» Freud se servit de la littérature dans sa pratique de la psychanalyse et, après la Première Guerre mondiale, des bibliothécaires américains ont été formés afin d'adresser des recommandations adaptées aux vétérans traumatisés.

Les livres semblent non seulement bons pour la santé, mais aussi pour notre rapport aux autres. En 2013, un article de la revue Science a confirmé que lire des romans augmente notre capacité à deviner les pensées et sentiments d'autrui. D'autres études avaient déjà montré que la lecture favorise l'empathie.

Quoi qu'il en soit, la bibliothérapie est devenue un marché. Remèdes littéraires, un dictionnaire mi-sérieux, mi-humorisitique signé des bibliothérapeutes Ella Berthoud et Susan Elderkin a été traduit dans une vingtaine de pays (en français chez JC Lattès). Chaque édition contient certains maux ajoutés spécialement pour le marché local, auxquels correspondent des romans censés les «soigner». Pour les Néerlandais, une prescription contre «le fait d'avoir une trop haute opinion de son enfant» ; pour les Indiens, de quoi calmer «l'obsession du cricket» ; pour les Français, un onguent pour les «amours compliqués».

Auteure : Ceridwen Dovey est romancière. Elle vit en Australie. On peut lire d'elle, en français, les Liens du sang (Héloïse d'Ormesson, 2008).

L’armée des mal-logés

On en parle peu aux Etats-Unis, y compris à gauche. D'après les chiffres d'un centre de recherches à Harvard, 11,4 millions de foyers américains dépensaient en 2014 plus de la moitié de leurs revenus pour se loger (les autorités fédérales estiment que le poste loyer et charges ne devrait pas dépasser 30% du budget). Ils n'étaient «que» 7,5 millions dans ce cas en 2001. La crise de 2007 a contribué à cette augmentation, qui se traduit souvent par des logements inadaptés, quand ils ne sont pas insalubres. Des millions de propriétaires dont la maison a été saisie se sont redirigés vers le marché locatif. Sur la même période 2001-2014, les loyers ont augmenté de 7%, alors que le revenu moyen des locataires baissait de 9%. Le sociologue Matthew Desmond s'est intéressé aux plus pauvres d'entre eux, qui alternent entre expulsions et hébergements précaires dans des caravanes ou chez des marchands de sommeil. On estime qu'un quart seulement des foyers américains éligibles à une aide au logement en bénéficient réellement. (Sur le livre de Matthew Desmond, on peut aussi lire l'article de Books «Les pauvres, ce marché très lucratif»).

Auteur : Jason DeParle est reporter au New York Times. Il est l'auteur d'American dream : trois femmes, dix enfants et la fin de l'aide sociale aux Etats-Unis, traduit en 2006 aux éditions du Panama.

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