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Libération
TRIBUNE

Lettre des derniers habitants de Daraya assiégé

Occupée par les forces du régime d’Al-Assad depuis 2012, cette banlieue Sud de Damas, berceau du pacifisme syrien, redoute un nouveau massacre.
par Le Conseil local de Daraya, Représentants élus des habitants de Daraya
publié le 19 juillet 2016 à 18h01

Monsieur le Président de la République,

nous, habitants de Daraya, qui luttons aujourd’hui pour gagner notre liberté, vous écrivons pour vous alerter de la menace qui pèse sur notre ville. Plus de 8 000 habitants vivent assiégés depuis 2012, aux portes de Damas, dans des conditions extrêmement difficiles. L’électricité, l’eau, les communications y sont totalement coupées. Cette situation s’est brutalement détériorée avec l’intensification des bombardements du régime ces dernières semaines, en flagrante violation de l’accord de cessation des hostilités conclu à Vienne en décembre 2015. Le «corridor humanitaire» aménagé par les forces révolutionnaires entre Daraya et la banlieue contiguë de Moadamiyeh a été détruit, ainsi que les terrains agricoles de la ville, privant la population de ses dernières ressources. Les habitants qui y avaient trouvé refuge ont été contraints de se retrancher dans les immeubles d’habitation en ruines du centre de la ville. En quatre ans, plus de 8 000 barils explosifs ont été largués sur la cité. Nous craignons que les dernières avancées des forces d’Al-Assad et de leurs alliés ne soient le prélude à un assaut majeur qui verrait le massacre des derniers habitants de Daraya et la destruction totale du berceau du pacifisme syrien. Daraya, qui a résisté au régime et aux extrémistes de Daech, risque de subir un nouveau massacre, similaire à celui d’août 2012. En deux jours, plus de 641 civils avaient été tués par les forces loyalistes. Ce qui se passe est, en réalité, le résultat d’une stratégie de reconquête de Bachar al-Assad mise en œuvre avec l’appui logistique de Moscou. Les combats et les bombardements se sont arrêtés pendant deux mois au moment de l’application du cessez-le-feu, le 27 février 2016. Il est à noter qu’en dépit des violations répétées de la trêve par le régime, les forces révolutionnaires se sont tenues au respect de l’accord. Elles se sont toujours prononcées en faveur d’une solution politique, à l’instar des responsables civils dont elles sont sous le contrôle. De leur côté, les forces du régime ont totalement mis fin à la trêve au mois de mai. Elles progressent désormais vers le centre, où sont piégés les derniers habitants.

Monsieur le Président, pour que Daraya la pacifiste ne devienne pas un nouveau Guernica syrien, les pays de la task force sur le cessez-le-feu doivent prendre leurs responsabilités. Nous demandons une intervention urgente pour contraindre le régime à appliquer la résolution 2 254 du Conseil de sécurité et l'accord de Vienne de décembre 2015. En plus d'un cessez-le-feu, nous demandons l'établissement d'un corridor humanitaire, l'évacuation des victimes et leur protection et, enfin, la levée du blocus. La France, qui a toujours été au côté du peuple syrien, doit user de son influence pour empêcher un massacre à Daraya, dont elle porterait la responsabilité au même titre que tous les acteurs qui ont parrainé l'accord sur la trêve. En dépit d'une situation humaine et militaire dramatique, la ville de Daraya continuera à résister et à lutter en faveur d'une solution politique et pacifiste, comme elle le fait depuis quatre ans. Mais, aujourd'hui, seule une intervention de la communauté internationale, des forces politiques et révolutionnaires, permettra d'empêcher l'annihilation totale de Daraya et de ses habitants. Vive la révolution, la dignité et la liberté.