On pourrait considérer que, cette année tout particulièrement, nos festivals ont incarné l’esprit de mobilisation, plus de 300 000 spectateurs et visiteurs qui nous ont rejoints à Avignon, Aix, Arles et Marseille, préférant le partage de l’intelligence au silence de la peur ou à la violence du rejet.
Pour citer Simone Weil, ouvrière et philosophe, nous avons oscillé entre la pesanteur et la grâce, ou peut-être trouvé un équilibre entre les deux, entre un monde ultra-violent et une insistance à vivre. Les œuvres programmées ont souvent trouvé des résonances fortes avec l’actualité la plus tragique. Nos équipes sont militantes, comme le sont beaucoup de spectateurs et de visiteurs, présents comme jamais, forts de sa certitude que c’est ensemble et dans le partage que nous infligerons à l’obscurantisme une défaite. Ensemble nous entretenons le feu du libre arbitre, de la remise en question des évidences et des fatalités paresseuses. La réalité est crue, elle s’impose dans nos quotidiens trop rapides ; chez nous, le temps s’élargit, laissant de la place à la réflexion, à l’analyse, à l’émotion, et alimentant un élan visionnaire.
Cette présence et cette adhésion - critique - des spectateurs et des visiteurs nous réjouit et nous renvoie à une autre responsabilité, celle d’élargir encore davantage la résonance des œuvres d’art auprès d’autres publics, auprès de franges de la population bien plus éloignées. Dans la tourmente actuelle, il nous paraît plus urgent que jamais de partager, de dialoguer, d’encourager des formes nouvelles de participation et de création collective. Il est urgent de décloisonner, de lancer des ponts, de renforcer l’ancrage territorial de nos institutions, de multiplier nos partenariats associatifs et éducatifs, afin que les zones les plus fragiles de nos villes ne soient pas laissées pour compte.
Ceci implique un travail à long terme qui nous mobilise déjà, mais qui devrait se renforcer dans les prochains mois, dans les prochaines années, en étroite collaboration avec d’autres acteurs culturels, proches et lointains. C’est à un nouveau projet de politique culturelle que nous appelons : une mobilisation des forces de la création artistique pour tenter de faire reculer les fanatismes, les simplismes et la violence.
Culture, information, éducation doivent rester absolument nos priorités pour résister et inventer. Cela nous concerne tous, et plus particulièrement ceux qui arrivent de loin, enfants, immigrés ou réfugiés, car si nous devions avoir un drapeau, ce serait celui de l’hospitalité : une fois planté, il indiquerait à chacun qu’il est le bienvenu. Pour écouter, regarder, et créer.