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Libération
Tribune

La haine et le désir

Burkini, une polémique françaisedossier
Tant sur le voile islamique que sur la prostitution, l'écrivaine Florence Montreynaud invite à entendre les voix de féministes et d'intellectuels qui témoignent de leurs expériences pour une société plus juste.
Sur une plage de Narbonne, le 4 juin. (Photo Raymond Roig.AFP)
par Florence Montreynaud
publié le 25 août 2016 à 15h18

Je hais le voile islamique, mais je ne hais pas les femmes voilées. Je hais la prostitution, mais je ne hais pas les femmes prostituées. Si des femmes voilées ou prostituées disent que tel est leur choix, si elles reprennent la proclamation féministe «mon corps m’appartient», je respecte leur droit de s’exprimer ainsi, et évite de penser à leur place.

Contre les violences sexistes

Néanmoins, je m’élève contre ce qui m’apparaît comme un dévoiement du féminisme, et je raisonne en tant qu’intellectuelle blanche, forte d’un engagement de plusieurs décennies contre les violences sexistes et pour l’égalité femmes-hommes.

Selon moi, le voile symbolise la soumission à la domination machiste et la honte, inculquée aux femmes, d’inspirer du désir sexuel à des hommes.

Selon moi, la prostitution est un système d’exploitation machiste du corps de femmes pauvres ; il est organisé au bénéfice d’hommes qui paient une femme n’éprouvant aucun désir pour eux.

Telle est mon analyse de féministe. Je ne cherche pas à l’imposer, car je suis ouverte au dialogue. Je ne cherche même pas à me faire entendre dans le débat public : je préfère laisser la parole à celles que j’estime mieux placées que moi pour prendre position sur ces sujets brûlants.

Sur le voile, j’invite à écouter des féministes qui ont fui leur pays car des islamistes les menaçaient de mort, Taslima Nasreen (Bangladesh) ou Djemila Benhabib (Algérie), ou des intellectuelles critiques de l’intégrisme musulman, Wassyla Tamzali, Chahdortt Djavann et bien d’autres.

Soutenir plutôt que s’opposer

Sur la prostitution, plutôt que de m’opposer à des femmes prostituées revendiquant leur liberté, je soutiens des femmes comme Rosen Hicher ou Laurence Noëlle, qui ont réussi à quitter la prostitution et témoignent des violences qu’elles ont subies.

Je soutiens des hommes qui, loin des clichés machistes de notre culture, refusent la prostitution et s’engagent pour l’égalité. Je les ai aidés à s’organiser en réseau international.

Je hais le voile islamique, je hais la prostitution, et je m’y oppose de la manière qui me semble la plus pédagogique, c’est-à-dire la plus efficace à long terme.

Je ne hais personne. Ce n’est pas la haine qui m’anime, mais le désir d’une société moins violente et plus juste.

Dernier livre publié : Chaque matin, je me lève pour changer le monde. Du MLF aux Chiennes de garde, éditions Eyrolles, 2014, 402 pp., 22 €.