Chaque semaine, la rédaction du magazine Books décortique les longs formats des revues et sites anglo-saxons.
Les fantasmes du roi de Zembla
Edmund White, l'un des grands de la littérature homosexuelle américaine, revient sur un roman de Vladimir Nabokov intitulé Feu pâle (Gallimard, 1962). C'est pour lui «le grand roman comique homosexuel». Le roman de Nabokov est constitué d'un poème de 999 vers intitulé «Feu pâle», écrit par un certain John Shade, et d'un commentaire «universitaire» en prose rédigé par le voisin de Shade, un homosexuel fou appelé Charles Kintbote. Celui-ci prétend avoir été le roi de Zembla, une «lointaine terre nordique», et avoir été destitué par des forces révolutionnaires. Réfugié aux Etats-Unis, il enseigne à l'université. Le commentaire de Kintbote est en réalité un récit de sa vie et de ses expériences homosexuelles. Pour White, Nabokov représente avec humour tous les clichés des fantasmes homosexuels masculins – «un catalogue du désir homosexuel masculin à travers les âges».
Source : The Times Literary Supplement, 3 août 2016, 17 740 signes.
Auteur : Edmund White est né à Cincinnati dans l'Ohio. Il est romancier et essayiste, et enseigne la littérature à Princeton. Sa tétralogie autobiographique (Un jeune Américain, Mazarine, 1984 ; la Tendresse sur la peau, Bourgeois, 1988 ; la Symphonie des adieux, Plon, 1998 et l'Homme marié, Plon, 2000) a été saluée par la critique. Il a reçu le National Book Critics Circle Award en 1994 pour sa biographie de Jean Genet (Jean Genet, Gallimard, 1993).
Les motivations du collectionneur
Le fondateur de Getty Oil, J. Paul Getty, était célèbre pour son avarice. Cela ne l'a pas empêché de dépenser sans compter pour constituer sa fameuse collection, aujourd'hui rassemblée au J. Paul Getty Museum de Los Angeles. Les motivations du collectionneur sont souvent d'une grande complexité. Faut-il invoquer «le désir ostentatoire de paraître des gens d'un goût supérieur», selon la formule du rhéteur romain Quintilien ? Calouste Gulbenkian, un autre magnat du pétrole, créateur de la fondation du même nom à Lisbonne, voyait dans ses œuvres d'art une deuxième famille, plus importante à ses yeux que ses propres enfants. Il refusait de les prêter et même de faire visiter sa collection : «Mes enfants ne doivent pas être dérangés», disait-il.
Source : Aeon, 23 août 2016, 18 200 signes.
Auteur : Erin Thompson est une universitaire. Elle a publié Possession: The Curious History of Private Collectors (Yale University Press, 2016).