Ce dimanche, une fois de plus, ce sont les tenants d’une régression sociétale qui battront le pavé parisien. Ils s’opposent à l’égalité entre couples homosexuels et couples hétérosexuels. Ils sont hostiles aux nouvelles formes de procréation. Ils refusent le droit intime à choisir la forme et le moment de sa fin de vie. L’entre soi de leur rassemblement leur offrira l’espoir de voir leur vision réactionnaire s’imposer. Et pourtant -le savent-ils ?- sur ce que le droit a intégré, ils ont déjà perdu.
Comme pour toutes les conquêtes sociétales en France, après le temps des oppositions conservatrices bruyantes qui accompagnent les reformes, vient celui de l’adhésion de la société: ce fut le cas sur la contraception, sur l’avortement, sur la dépénalisation de l’homosexualité, sur l’abolition de la peine de mort. C’est le cas pour le mariage pour tous.
Juste un pouvoir d’intimidation
Le seul pouvoir des manifestants de ce dimanche est un pouvoir d’intimidation. Ils se rappellent au bon souvenir des candidats à la primaire de la droite, sur lesquels ils tentent de faire pression pour les amener à épouser leurs thèses dans l’espoir d’une poignée de voix. Pourquoi se gêneraient-ils? Cela avait fonctionné avec Sarkozy lors de l’élection à la présidence de l’UMP.
Ils promettent à la gauche, par leur mobilisation d’aujourd’hui, de nouvelles démonstrations demain dans l’hypothèse où nous lancerions de nouvelles réformes pour parachever une égalité qu’ils combattent, et pour garantir des libertés individuelles qu’ils refusent de reconnaître.
Pour les couples de femmes qui veulent bébéficier de la PMA
Face à cela, la gauche et les démocrates ne doivent pas se laisser intimider. Nous devons au contraire reprendre la marche du progrès sociétal. Nous devons l’audace réformatrice aux couples de femmes aujourd’hui contraintes de cacher qu’elles se rendent à l’étranger pour bénéficier de PMA. Ces grossesses par insémination, rien, sinon une réglementation française absurde, n’empêche de les pratiquer ici. La volte-face de François Hollande sur cette question n’a en rien calmé les opposants à l’égalité. Elle continue en revanche de compliquer la vie de nombreux couples. C’est absurde, c’est injuste. C’est le résultat piteux d’un calcul politique pusillanime comme il y en a eu trop dans ce quinquennat, au point de faire oublier -c’est un comble!- les avancées réalisées.
Pour les enfants nés par GPA
Nous devons l’audace réformatrice aux enfants nés par GPA à l’étranger de parents français. Ils n’ont pas à subir les conséquences de leur mode de naissance dans leur vie quotidienne. Quel que soit le jugement porté sur la GPA, la position de la Cour européenne des droits de l’homme doit être respectée: elle enjoint de garantir à ces enfants la plénitude de leurs droits administratifs et citoyens. La multiplication des obstacles judiciaires imposés par les parquets, sur instruction du gouvernement, doit cesser. Le parcours du combattant imposé aux familles ne constitue en rien une dissuasion à recourir à la PMA: il rend juste leur vie plus difficile. C’est du point de vue du fonctionnement de la justice une absurdité financière, une incongruité quand on mesure les enjeux auxquels notre système judiciaire est confronté par ailleurs.
Pour les personnes en fin de vie
Nous devons enfin l’audace réformatrice aux personnes en fin de vie auxquelles la réforme de la loi Leonetti, exemple même de demi-mesure, n’apporte pas de solutions. La sédation profonde et continue, le renforcement du respect de la volonté des malades via les directives anticipées et le rôle de sa personne de confiance ne garantissent pas l’essentiel: que soit respecté le droit de chacun à choisir le moment et la manière de sa fin de vie, quand celle-ci est proche et qu’il en juge les conditions ni dignes, ni supportables. La légalisation du suicide assisté et une forme très encadrée d’euthanasie à la demande du patient doivent être inscrits dans la Loi.
L’égalité, le respect dû à toutes les familles, le droit de chacun à choisir une fin de vie qui corresponde à sa propre définition de la dignité… Ces questions ne sont pas à la merci de manifestations de rue. Sur ces sujets, il n’y a pas de synthèse molle qui tienne. Le débat de la primaire de la gauche et des écologistes doit aussi servir à rappeler cela et à préparer pour l’avenir de nouvelles réformes. Audacieuses celles-là. Parce que c’est la fonction historique de la gauche. Parce que si la gauche ne le fait pas, personne ne le fera.