Dans son livre La Consolation, Flavie Flament raconte son viol, à l'âge de 13 ans, par un photographe de renom. L'homme n'y est pas cité, car il ne sera jamais cité à comparaître, il n'aura jamais à répondre devant la justice des faits dont elle l'accuse. Ces souvenirs ont surgi récemment à la conscience de l'animatrice, lors du décès de son grand-père. Trop tard. Son amnésie post-traumatique a dépassé le délai de prescription. Pour les agressions sexuelles sur mineurs, il est de vingt ans à partir de la majorité. Flavie Flament avait jusqu'à 38 ans pour porter plainte. Elle en a 42. «Les bourreaux peuvent dormir tranquillement, pendant que leur victime passe le reste de son existence à souffrir», lâchait-elle sur RTL. La parole des victimes se libère mais la justice ne veut pas entendre.
Le 14 octobre, le Sénat a rejeté l’amendement Jouanno visant à allonger ce délai à trente ans. Pour Danielle Bousquet, Elisabeth Moiron-Braud et Ernestine Ronai, du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, il est impératif d’allonger le délai de prescription pour les viols commis sur des mineurs, afin de répondre à ces cas d’amnésie post-traumatique. Mais c’est aussi flirter avec l’imprescriptibilité. Celle des crimes contre l’humanité, du terrorisme. Et qu’attendre d’un procès plusieurs décennies après les faits ? Le risque d’erreur judiciaire s’accroît, souligne Denis Salas, magistrat et essayiste.
Comment trouver le point d’équilibre entre le droit à réparation des victimes et celui de l’auteur éventuel à être protégé d’une mémoire accusatrice infondée ? Le définir est si difficile à atteindre qu’aucune réforme n’a pu aboutir à ce jour. Par Denis Salas, Juriste, essayiste, a dirigé «la Cour d’assises, actualité d’un héritage démocratique», Doc en poche, la Documentation française, 2016
Les conséquences psychotraumatiques des violences sexuelles peuvent conduire à une amnésie dissociative. C'est pourquoi il faut permettre aux victimes de saisir la justice jusqu'à leurs 48 ans, contre 38 ans actuellement. Par Danielle Bousquet, Présidente du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes , Elisabeth Moiron-Braud, Magistrate et Ernestine Ronai , Responsable de l'Observatoire départemental des violences envers les femmes en Seine-Saint-Denis.