Comme toutes les métropoles, Lyon est confrontée à la présence de personnes sans abri. La grande ville attire, elle concentre des opportunités sur lesquelles se fondent des espoirs parfois démesurés. Mais lorsqu’elle ne se donne pas les moyens d’un véritable accueil, la métropole devient alors le lieu de toutes les errances.
Depuis deux décennies, le visage des personnes sans abri a profondément changé. La présence de familles, d’abord marginale, est devenue massive. On se souvient de l’apparition des Roms en 1992, considérés comme différents. Ils ont été les premières victimes d’une banalisation du sans-abrisme. Depuis, la présence d’hommes seuls, de femmes isolées, de mineurs non accompagnés, de familles et d’enfants sur nos trottoirs, la nuit est devenue banale alors même qu’elle est humainement intolérable et ne devrait pas être tolérée.
Nous devons nous en préoccuper. Notre responsabilité de femmes et d’hommes politiques est engagée. Il est temps que la Cité rattrape son retard, pour des raisons humanitaires, certes, mais aussi parce qu’il en va de la cohésion sociale mise à mal par le traitement au «fil de l’eau». Nous ne dirons pas que rien n’a été fait, mais lorsque le constat d’échec s’impose, il faut réagir. La pénurie est source de crispations, les acteurs du travail social sont soumis à des injonctions contradictoires entre l’accompagnement de personnes et la «régulation» des flux.
Par ailleurs, un discours politique qui refuse la complexité se durcit. L’environnement social est déboussolé. La connaissance est indispensable à l’action ; or, nous ne savons rien des personnes à la rue. Cette absence de connaissance ouvre la voie à tous les fantasmes, surtout ceux qui réduisent le problème à une question migratoire et affirment sans savoir en stigmatisant les populations concernées, forcément surnuméraires.
La méconnaissance est un ennemi redoutable. Sur nos trottoirs, pourtant, il y a des migrants, il y a des réfugiés sans protection, il y a des déboutés de l’asile et il y a aussi maintenant des demandeurs de logement «ordinaires», étrangers et français. Il y a la grande diversité des parcours singuliers et surtout une humanité que nous avons le devoir de reconnaître.
Les moyens font défaut malgré les régulières augmentations du nombre de places en urgence et les mesures spécifiques à l’hiver. Dans ce contexte, il est temps de poser la question de l’adaptation des moyens aux besoins. Cela ne sera possible que lorsque nous aurons passé la première étape, celle de la connaissance. Les acteurs locaux sont soumis à des appels à projets qui enferment les réponses dans des cadres parfois archaïques et interdisent l’évolution. Les projets novateurs sont muselés par une commande publique qui privilégie les moyens au détriment des objectifs. La construction des réponses dépend d’une mobilisation d’un nouveau type, basée sur la connaissance et sur de nouvelles orientations des moyens. Elle repose sur une transversalité qui mobilise l’ensemble des acteurs.
Il faut renouer les liens entre la recherche et l’action, l’université et le terrain, le médical et le social, le politique et la gestion. Les réalisations que nécessite la situation présente et ses évolutions ne peuvent rester cantonner à la mise à l’abri dans des formules qui n’assurent qu’une réponse temporaire (centre d’hébergement d’urgence, hôtels, etc.) à des questions devenues structurelles.
La Métropole de Lyon s’est dotée d’une boîte à outils avec le Plan d’action pour le logement et l’hébergement. Elle doit être mise à contribution. Nous appelons à la mobilisation car nous partageons avec beaucoup une inquiétude face à l’avenir. Inquiétude devant un discours politique d’exclusion des plus vulnérables, devant la négation de réalités, devant le refus d’agir au nom de l’appel d’air.