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Libération
Critique

Télé : souvenirs éclairés

publié le 6 novembre 2016 à 18h21

Ni «essai sur la télévision ni livre de souvenirs», mais «conjuguant les deux approches», le bouquin de l’ancien numéro 2 de France Télévisions (2013-2015), en charge des programmes et des antennes, est construit comme les émissions d’Ardisson ou de Ruquier, cités en référence. Comme tout bon divertissement sur la télé de service public, type Tout le monde en parle ou On n’est pas couché, il alterne entre le futile et l’essentiel, l’anecdotique et le théorique, le people et l’intello.

La légèreté du livre, que l'on dévore avec l'appétit voyeur d'un lecteur de Voici, vient des portraits, subtils, des figures de l'antenne que Patino s'amuse à brosser. Comme ceux de Taddeï, «dandy ironique» détaché des vicissitudes du petit écran mais au fait de toutes ses pratiques, de Patrick Sébastien, apôtre d'un spectacle qui «divertit les gens sans les abaisser, pour alléger le poids de leur existence», ou de Drucker, repeint en grand maître de la télé «nounou» qui «brise la solitude des dimanches après-midi». Pour le sérieux, on se reportera aux chapitres prospectifs consacrés à Netflix, la Google TV ou la réalité virtuelle, dans lesquels Bruno Patino, grâce à sa double position de dirigeant de médias et d'observateur de leur transformation numérique, porte un regard éclairé sur l'avenir très incertain de la télévision. Vieux média en passe de devenir un «média de vieux», où «être vu ne signifie plus rien», elle continue pourtant, bon gré mal gré, à «structurer l'espace public».«Les quinze premières années du XXIe siècle auront transformé ce média en profondeur, mais ne forment qu'un prélude au bouleversement inouï qui s'annonce», constate celui qui s'est recasé à Arte comme directeur éditorial.

A la lecture, le profane des médias comprendra pourquoi la télévision, tombée «de son piédestal pour devenir un écran comme un autre», est en train de «voler en éclats», tandis que le connaisseur du secteur, restant un peu sur sa faim, frôlera tout de même des pistes de réflexion à approfondir. Comme dans n’importe quel bon divertissement de service public ?