Longtemps, l'économie a intégré le plus grand nombre, créé une classe moyenne solide. Depuis les années 80, la logique de privatisation, de dérégulation, de financiarisation de l'économie et d'ouverture des frontières portée par les grandes entreprises a développé une dynamique inverse, celle de l'expulsion et de l'exclusion… C'est ce principe que je décris dans mon livre et que symbolise Donald Trump, malgré ses postures contre les élites et un système économique inique. Il ne s'en est pas caché : il va considérablement augmenter l'exploitation des gaz de schiste. Une fois l'extraction faite, il ne reste qu'un paysage dévasté, le vide. Cette course à la croissance économique laisse des espaces économiques et sociaux exsangues, ébranle les quartiers modestes et une part grandissante des classes populaires.
Au-delà de l’économie, l’Amérique de Trump doit s’attendre à une expansion de l’extraction minière, une chasse aux clandestins, des visites fréquentes dans la Russie de Poutine. Sans doute honorera-t-il plus difficilement ses engagements en matière migratoire (contre les migrants et les musulmans) : cette politique exige du temps et il sera délicat de gérer les conséquences d’un tel bourbier idéologique. En quatre ans, il risque de se lasser…
En revanche, quelle ironie de voir un Trump s’engager dans une politique de grands travaux pour l’Amérique alors que ce n’est pas la philosophie du parti républicain. Pour Trump, construire, c’est ce qu’il sait faire, son lot quotidien ! C’est vrai que nous avons besoin de nouvelles infrastructures mais j’ai peur que le nouveau président songe plutôt à ériger des hôtels et des immeubles résidentiels de luxe…
Voilà où nous en sommes : l’Amérique vient d’élire un candidat républicain extrême qui a une infime connaissance de ce vaste monde. On ne peut même pas dire que c’est sa fortune qui lui a donné le pouvoir, sa campagne a coûté moins cher que celle d’Hillary Clinton. Il a été capable d’être un média gratuit juste en étant lui-même, provoquant et ridicule. Il s’est déjoué des stratégies politiques ordinaires. En revanche, je pense que les Américaines, les féministes en particulier, ont tout à gagner dans leur combat contre Trump. Elles devraient en sortir en bien meilleure forme que lui, lui et ses déclarations de matamore.
Recueilli par Claire Devarrieux