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Libération
Chronique «Si j'ai bien compris...»

Fillon, le renouveau du come-back

La droite a gagné la primaire de droite. Mais qui gagnera la primaire de gauche ? Ça risque de n’être qu’une primaire pour l’honneur.
publié le 25 novembre 2016 à 19h06

Si j’ai bien compris, on regrette tout - et ce n’est pas fini. On regrette tout : qu’il y ait François Hollande à l’Elysée même si on sait qu’on regrettera qu’il n’y soit plus (son quinquennat n’avait pourtant pas un tel goût de pain blanc), que François Fillon ait tout écrasé sur son passage (et s’il nous faisait avaler toutes les couleuvres qu’il a lui-même dû ingurgiter ?), que Nicolas Sarkozy soit hors-jeu même si ça a aussi ses avantages (il ne sera pas battu par Marine Le Pen au second tour mais ça risque d’être un peu terne, sans lui). Fillon président mettrait-il autant de zèle à appliquer les directives du patron (Vladimir Poutine, Donald Trump, Angela Merkel) qu’il en avait pour mettre en œuvre le programme de son propre président qui lui rognait les ailes ? On va peut-être enfin pouvoir le voir s’épanouir en plein ciel. Et que vont devenir les affaires autour de Nicolas Sarkozy qui intéresseront moins ? C’était amusant de lui compliquer sa carrière, maintenant ça va paraître un vieux film en noir et blanc au milieu d’un blockbuster. Personne n’a de raison de se réjouir quand on perd un bon client. Les Gaulois se sont rebiffés.

La primaire de droite a porté en tête au premier tour un homme de droite. Ça ne fait pas forcément plaisir mais, au moins, il y a six vaincus, ce qui est une consolation. Surtout, quand le deuxième tour sera achevé, il y aura six anciens prétendants qui devront reconnaître qu’ils se sont trompés. Pas qu’ils ont été battus : qu’ils ont bel et bien commis une erreur. Qu’en définitive, le bon programme, c’est bien celui dont ils avaient malencontreusement ciblé toutes les faiblesses et les invraisemblances. Comment n’ont-ils pas vu plus tôt que ces faiblesses étaient des forces et ces invraisemblances la vérité même ? Heureusement que les électeurs leur ont montré la voie.

Vu le succès de la primaire de droite, est-ce une bonne idée d’en faire une de gauche qui pourrait s’appeler une secondaire ? Après les 4 millions de votants réactionnaires, les progressistes ne risquent-ils pas de se trouver un peu seuls ? La participation n’est-elle pas susceptible de faire mauvaise impression ? C’est un peu comme si une Porsche et une Smart faisaient leur tour de chauffe sur le même circuit. On imagine difficilement les gens de gauche, entraînés par l’enthousiasme, se précipiter par millions pour choisir parmi les 2 800 champions qui s’offrent à eux. D’un autre côté, la primaire de gauche sera une course pleine de suspense : on ne peut pas dire qu’il y ait un favori. Et ce n’est pas l’éventuelle arrivée de Manuel Valls ou François Hollande dans la compétition qui lui donnera un second souffle ou un simple coup de jeune. Est-ce que le débat entre tous les candidats durera soixante-dix-huit heures ou n’auront-ils droit qu’à sept secondes de temps de parole chacun ?

D’autant que la question de la primaire de gauche sera : faut-il quelqu’un qui défende le bilan de la gauche ou quelqu’un qui le voue aux gémonies, ces gémonies se révélant électoralement plus porteuses ? Le compliqué, en plus, c’est que l’électeur des primaires a tendance à voter pour celui qui a le plus de chances de l’emporter et, là, tous donnent l’impression d’être sur le banc de touche. Si j’ai bien compris, il faudra être drôlement rusé et optimiste pour différencier les candidats par leurs chances de victoire finale.