«Le quinquennat de François Hollande restera comme celui du renoncement, et non pas de l’échec. Ce que les Français de sensibilité de gauche lui reprochent, ce n’est pas d’avoir échoué, c’est d’avoir acté, avant même l’échec, son impuissance. Il a renié les valeurs affirmées dans ses discours. L’a-t-il fait sciemment ou n’est-ce que la cristallisation tacticienne de sa réaction aux positions d’autrui ? Nul ne le sait. Ce qui est certain, c’est qu’il n’a pas combattu. Or la défense de l’Etat de droit demande d’être au front du réel. Et le réel n’est pas assimilable à la réalité du moment présent, au simple constat des forces en présence.
«Etre conscient du réel, c’est se battre pour l’univers des possibles, ce qui peut advenir de plus égalitaire - notamment lorsqu’on est de gauche - et de plus émancipateur pour la société.
«Son geste est finalement le symbole de son quinquennat : le renoncement. Non pas la lucidité, mais un cruel manque de compréhension dudit réel. Là encore, il a attendu le dernier moment pour s’aligner sur les vécus d’autrui : Sarkozy et Juppé ont été sévèrement éjectés, il s’est épargné l’humiliation. Il a eu raison. Il n’a pas voulu porter, plus directement encore - personnellement -, l’échec de la gauche, son atomisation. Cette séquence de l’éviction des anciens signe-t-elle une nouvelle manière de procéder quant à la relation électeurs-élus ? Pour l’instant, le changement est encore très faible, les anciens ont laissé place aux anciens plus jeunes, ou à des jeunes autrefois adoubés par ces mêmes anciens. Notre sens de l’incarnation politique n’a pas encore su innover.
«Alors pourquoi un tel maintien de cette incompréhension du réel ? Certes, parce que les dirigeants politiques sont hyperprotégés par cette puissance publique qu’ils détricotent par ailleurs, mais il y a de leur part aussi un dénigrement plus inconscient du peuple et de la société civile. Ils ont une vision statutaire de l’intérêt général alors que sa défense relève hélas de la résistance, des mouvements sociaux, d’un en deçà de l’institution.»