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Libération
Critique

… à l’état d’exception vu par une philosophe

Publié le 14/12/2016 à 19h26

Etat d'urgence en France et en Turquie, Patriot Act aux Etats-Unis, zones de «non-droit» à la Guantánamo… «Nous vivons à l'époque de l'exceptionnalité», écrit la philosophe Marie Goupy : le rythme de l'action politique est désormais indexé sur celui des «crises». A toute nouvelle mesure d'exception, immanquablement, les mêmes questions se posent : la démocratie libérale peut-elle déroger à son propre droit sans se perdre ? Et si certains gouvernements faisaient un mauvais usage des lois d'exception ? En réalité, ces interrogations en masquent une autre, plus fondamentale : l'état d'exception pourrait finalement être indispensable à la survie de l'ordre libéral. La thèse de Marie Goupy, maîtresse de conférences à l'Institut catholique de Paris, repose sur une relecture de Carl Schmitt - penseur décidément à la mode ces derniers temps. Elle plonge à l'origine du concept d'état d'urgence, dans l'entre-deux-guerres et, déjà, la «crise du parlementarisme». Pour la philosophe, les Etats libéraux ont rationalisé le champ social, ont dépolitisé le monde, et le recours à l'exception serait devenu l'unique moyen de sauvegarder le système. «C'est à l'exercice répété des pouvoirs de crise que l'on doit attribuer leur paradoxale stabilité.» L'état d'exception serait « tragiquement le dernier lieu de la décision politique».