Alors que les parlementaires français reconduisent, pour la cinquième fois, l'état d'urgence, voilà un livre qui devrait devenir notre petit bréviaire juridique. Pédagogique, hyperprécis… et très critique contre ce qui semble devenir notre nouvelle normalité. «L'état d'urgence est une arme dont l'intensité létale pour les libertés dépend en définitive du bon vouloir des pouvoirs publics», écrit Paul Cassia. Le dispositif est, selon ce professeur de droit public à Paris-I Sorbonne, non seulement inefficace (passé l'effet surprise à sa déclaration, l'état d'urgence «n'a plus d'autre effet concret que communicationnel») mais surtout dangereux. Pour ceux qui en subissent directement les excès. Mais aussi pour les libertés individuelles de chacun d'entre nous. Le livre vaut notamment pour son décorticage des pouvoirs de police administrative : «Le régime de la police de l'état d'urgence est pervers.» Par principe, préventive, puisqu'elle essaie de déjouer ce qui n'est pas encore arrivé, elle repose sur une «logique de suspicion» proche de la «divination comportementale»… Une assignation à résidence peut être décidée à l'égard d'une personne dont «il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace», dit la loi. Raison sérieuse ? A ce train, toute action légale peut prendre un tour louche : pratiquer un art martial ou posséder plusieurs téléphones portables (exemples choisis dans des procédures réelles). Une tendance liberticide qui a la fâcheuse tendance à se répandre… à mesure qu'on trouve des mobiles pour raccrocher artificiellement des contestations au terrorisme : lors de la COP 21, rappelle Cassia, des manifestants ont été assignés à résidence car ils risquaient de détourner les policiers de leur lutte contre le terrorisme. «Tout est en réalité permis au gouvernement, conclut le juriste. Qu'en sera-t-il demain lorsqu'un exécutif moins enclin à la modération sera en situation de responsabilité ?»
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