«Et si vous vous étiez trompés de personne ?» C'est drôle et ça dit bien la joie teintée d'«angoisse» qu'Alain Mabanckou a ressentie quand on lui a proposé d'entrer au Collège de France. Embarras et sentiment d'imposture : le trait d'esprit dit aussi la place longtemps précaire de la «littérature noire» dans la littérature tout court. C'était le 17 mars, lors de la leçon inaugurale de Mabanckou, qui occupera la chaire Création artistique de l'institution. «Qui suis-je au fond ? Vous n'aurez pas de réponse dans mes deux passeports congolais et français. Suis-je un "Congaulois", comme dirait le grand poète congolais Tchicaya U Tam'si ? Suis-je un binational, pour coller à l'air du temps ?» Si Mabanckou est un «bi», c'est d'abord parce qu'il écrit aussi bien des romans (Mémoires de porc-épic, prix Renaudot 2006) que des essais (le Sanglot de l'homme noir, qui invite les Noirs à ne pas s'enfermer dans la souffrance qui marque leur histoire). Ses leçons sur la littérature africaine francophone sont l'occasion de rappeler que l'Afrique n'est pas entrée dans l'écriture avec la colonisation. De se demander comment la littérature africaine des années 2000 peut «entrer dans la mondialisation sans perdre son âme pour un plat de lentilles». Un appel, surtout, «à l'avènement des études africaines en France, non pas dans une ou deux universités marginalisées, mais dans un tout qui fait désormais sens pour comprendre la France d'hier mais surtout la France contemporaine».
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