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Libération
TRIBUNE

Ségrégation scolaire : comment en sortir ?

La polémique a lieu dans un quartier du XVIIIe arrondissement de Paris. Mais elle en dit long sur l’état de notre école - et sur la capitale, «académie où la ségrégation sociale entre collèges est la plus élevée de France», selon Julien Grenet, chercheur au CNRS et membre d’un comité scientifique du ministère de l’Education visant à renforcer la mixité.
Pourcentage d'élèves de catégories sociales défavorisées par collège à Paris. (Infographie BIG)
publié le 3 janvier 2017 à 17h07

Au centre de l’affaire, deux collèges : Antoine-Coysevox et Hector-Berlioz. Ils sont situés à moins de 700 mètres l’un de l’autre, mais le second concentre en proportion quatre fois plus d’élèves défavorisés que le premier. Le gouvernement a donc annoncé une expérimentation (qui concerne d’autres collèges) : modifier la carte scolaire et fusionner les secteurs de Coysevox et Berlioz. Tous les enfants du quartier seront donc rattachés indifféremment à l’un ou à l’autre des collèges (ils pourraient passer deux années dans l’un et deux autres dans le second). Mais l’initiative soulève l’opposition de parents dépendants du collège le plus favorisé. Pourquoi les établissements privés ne seraient-ils pas contraints, eux aussi, de fusionner ? Du côté de Berlioz, on rétorque que demander au gouvernement d’imposer sa loi au privé (une révolution improbable) est une manière de ne rien faire.

La mixité maintenant

Il faut remettre de la mixité là où elle n’aurait jamais dû disparaître. Lorsque des parents investis se parlent et surmontent leurs craintes, des cercles vertueux se mettent en place très rapidement. Nous pouvons en témoigner, nous y participons activement.

Ça pourrait être le début d’une belle histoire. Une histoire d’aujourd’hui. Une histoire qui nous ressemble. Où nos espoirs se cognent à nos peurs. Peur de l’avenir, celui de nos enfants. Peur du déclassement. Peur de l’inconnu, mais aussi parfois simplement peur de l’autre, ce voisin qui ne nous ressemble pas. Toutes ces peurs se cristallisent autour de l’école. Car il s’agit de cela, l’école de nos enfants.

Tout commence par un constat simple. Dans le XVIIIe arrondissement de Paris comme dans beaucoup d'autres villes de France, nos écoles ne reflètent pas la réalité de la composition sociale de nos quartiers. L'évitement scolaire, malheureusement devenu sport national, et la fuite vers l'enseignement privé ont conduit à des situations que nous ne pouvons plus accepter : des établissements se retrouvent fortement ségrégués dans des territoires pourtant mixtes. De cela, il y a tout lieu de se préoccuper sans plus attendre.

Collèges publics, collèges privés: pour un brassage social

Alors que l’Etat semble vouloir promouvoir la mixité sociale via la carte scolaire, il subventionne de fait son contournement en finançant massivement l’enseignement privé. Pourquoi, en contrepartie, ne pas exiger que celui-ci respecte des règles de recrutement ?

En tant qu'habitants et parents du XVIIIe arrondissement, concernés par des mesures visant la mixité sociale dans les collèges, nous sommes témoins d'une médiatisation caricaturale du débat soulevé par l'expérimentation «multi-collèges». En effet, depuis le 30 novembre, où a été divulgué le projet touchant les collèges Hector-Berlioz et Antoine-Coysevox, il n'est pas rare de lire que notre collectif mène une «fronde contre la mixité sociale» ou qu'il ne la veut que «chez les autres». Cette tribune nous offre l'occasion d'exposer la raison principale de notre résistance à ce dispositif : en l'état, il n'est pas un projet de mixité sociale.